[Chronique cinéma] L’Instinct de mort ; Hôtel Artemis ; La première folie des Monty Python ; Pain, amour et fantaisie ; Paramatta, bagne de femmes ; Highlander: Endgame


Dans les cinébdos, je compile mes analyses critiques sur les films vus dans la semaine. 📚 🎥



Sommaire
L’Instinct de mort (Jean-François Richet, 2008)
Hôtel Artemis (Drew Pearce, 2018)
La première folie des Monty Python (Ian MacNaughton, 1971)
Pain, amour et fantaisie (Luigi Comencini, 1953)
Paramatta, bagne de femmes (Douglas Sirk, 1937)
Highlander: Endgame (Douglas Aarniokoski, 2000)

 




Image d’en-tête : Hôtel Artemis ; films 76 à 81 de 2020


5,5
4

Lundi : L’Instinct de mort


(Jean-François Richet, 2008)


« Thématique : Gérard Depardieu »*




Après avoir été le parrain de Spaggiari dans Sans arme, ni haine, ni violence chez Rouve, Depardieu se retrouve à parrainer Mesrine chez Richet – cette fois avec armes, haine & violence. Un sacré déferlement des trois, même.

Depardieu a commencé sa carrière sur la banquette arrière d’un paquet de voitures de criminels – il a juste grimpé les échelons hiérarchiques.

L’ambitieux film en deux parties a vu le jour sous cette forme parce qu’ “on” avait beaucoup à dire, & ce n’est pas le biopic criminel qu’on peut en attendre : Cassel y est cassant, Lellouche y porte bien son nom & le scénario veut que l’on nage dans leurs plus poisseux desseins, quitte à piétiner la part de rêve (notamment celui de la richesse) que le cinéma recherche normalement dans le genre criminel. Le problème, c’est qu’il ne cherche pas forcément autre chose à la place.

Les acteurs jouent tous sur la même longueur d’onde, comme si les intonations racailleuses & rocailleuses de Cassel les avaient ensorcelés & forcés à le suivre dans la même haineuse monotonie. Uniforme dans sa perception du crime, nous propulsant dans un état d’esprit où la réinsertion criminelle fait grincer d’ironie & où la colère devient quasiment un fluide vital, l’œuvre serait dense & solide si elle ne s’adressait pas uniquement à ceux qui savent ce qu’ils vont voir.

Victime du gros biais du all-in publicitaire, L’Instinct de Mort pourrait avoir été dimensionné uniquement pour la sortie en salle tant il est dépourvu de mise dans l’ambiance. Celle-ci mériterait de précéder le visionnage tout comme on le fait naturellement en ALLANT voir un film, ce qu’on ne fait pas du tout dans son home cinema par exemple. De plus, le format mini-série n’est pas non plus prévu pour la télévision.

Est-ce que la narration peut se servir de cette particularité comme excuse ? Difficile. Cinéma ou non, les personnages vont & viennent trop vite, les évènements & les lieux se succèdent littéralement comme si le scénario était encore un brouillon, & parfois ils sont si compressés par le rythme qu’on ne peut s’empêcher de rire au ridicule du raccourci malgré qu’il se produit des drames, souvent même significatifs avec du recul.

C’est dommage pour l’extraordinaire mise en scène, une prose lourde mais discrète qui sait s’adapter, tout en restant fidèle à elle-même, aussi bien à la vie du quotidien qu’à la violence, dynamique partout en proportions mesurées, technique mais pas académique ni démonstrative. Trop préparé peut-être, le film réussit (du moins avec moi) là où ce n’était pas prévu & là où il aurait mérité un petit coup de pouce – le reste, c’est juste… un sacré déferlement.


 


5
6,5

Mardi : Hôtel Artemis


(Drew Pearce, 2018)


« Thématique : Jodie Foster »*






Hotel Artemis est un peu tout seul dans ce genre moderne de film catastrophe qui fait peur parce que son histoire, dramatique, est là, toute proche. 2028. Dix ans seulement après la date de sortie. Brr. Alors sa technologie utilise des imprimantes 3D à usage médical (qui marchent sans électricité, oui, ne faites pas attention) & son intrigue se base sur des émeutes liées à la pénurie d’eau. En gros, on part sur de la SF.

Le film est réalisé par un auteur de scénarios musclés : Mission Impossible, Fast and Furious, Iron Man 3, bref, Pearce aime quand ça dégouline de testostérone & il n’y avait pas de raison qu’il ne refasse pas la même chose à sa manière une fois les caméras en main. Jodie Foster dans le rôle de l’infirmière garçon manqué & caractérielle, du coup, c’est raccord. Elle est obligée de parler tout le temps comme si on venait de la vexer, par contre ? Mais bref, en gros, on part sur un film d’action.

Mwa j’aime bien Dave Bautista. <3

Malgré son nom de station spatiale, l’hôtel Artemis est un hôpital pour criminels. Dans ce huis-clos à la fois cosy & grinçant où Pearce développe de forts thèmes colorés comme pour briser la promiscuité, les patients se préservent comme ils peuvent de la violence en créant leurs propres bulles de violence contenue. Mais c’est aussi une bulle scénaristique dans laquelle il est aussi dur de rentrer que dans l’hôtel avec ses 10 mystérieuses règles (qui sont expliquées dans le trailer, apparemment… super…) & dans laquelle les personnages pénètrent les uns après les autres en laissant leur contexte à la porte comme si Pearce utilisait un comic comme format narratif.

Tous les personnagees ont des airs de super-héros, d’ailleurs ; le plus souvent, le détachement de l’œuvre de tout univers normé leur permet d’évoluer avec une certaine classe, mais à d’autres moments la redite atmosphérique de Marvel pointe son nez, & elle n’est pas franchement bienvenue – c’est un peu le même syndrome que Pacific Rim dont Charlie Day reprend le rôle nerveux.

Faire un film en standalone alors qu’il mériterait une portée plus grande, c’est paracinématographique, ce qui est un joli mot pour dire qu’on s’en fiche un peu. Mais que des éléments de l’histoire paraissent marcher en standalone aussi, c’est non. Que ce soit le vocabulaire ampoulé ne reposant sur rien, les liens d’affection entre les personnages ou simplement le background de tout ce qu’il se passe, tout souffre qu’il manque un gros morceau de l’histoire – un morceau qui n’existe nulle part, en fait, & qui laisse à penser que Pearce aurait voulu voir ses personnages dans une franchise.

Entre Elysium & Seven Sisters, l’ambiance initialement ouverte sur de nombreux possibles devient petit à petit la porte ouverte aux clichés, notamment en matière de combats quoique Pearce sait y ajouter une sorte de rage esthétique & impressionnante. Pas particulièrement crasse, Hotel Artemis laisse cette impression de façon un peu disproportionnée à quelques occasions involontaires & incontrôlées.

Le film était-il juste trop court, ou pas assez audacieux dans les écarts qu’il aurait pu se permettre avec son casting qui repêche la moitié du MCU ? On ne le saura peut-être jamais, mais il risque d’avoir créé beaucoup de frustrés.


 


5,75
5,75

Mercredi : La première folie des Monty Python


(Ian MacNaughton, 1971)


« Thématique : Monty Python »*





Si on connaît un tant soit peu les Monty Python, il n’y a rien que le film nous enseigne : sketchs filmés & montés ensemble, les gags de Pataquesse ou La première folie des Monty Python (on est encore les seuls avec une traduction de titre aussi nulle / xénosceptique) ont tout de créatif mais rien de neuf qui ne soit tout juste suffisant à les sortir du petit écran & à les préparer (du moins, c’était apparemment le but) à une audience américaine. Pour donner un ordre d’idée, c’est le même genre d’absurde rocambolesque que dans le Yellow Submarine de Dunning, en moins psychédélique & plus provocateur, avec un paroxysme au culte de l’autodérision (qui souvent sauve le film du n’importe quoi).

“Vous ne dites pas ?”

It’s the kind of thing the English do very well. They’re so free, they create a fantastic situation, inject a few serious home truths about sex or pompous attitudes, then tear it down.

— La productrice (qui était américaine)



 


6,25
4

Jeudi : Pain, amour et fantaisie


(Luigi Comencini, 1953)


« Thématique : langue italienne »*






C’est fou le nombre de films italiens d’époque qui commencent par une “arrivée”, généralement celle dans le village d’un personnage important. Oui, “le” village, car “le” village, ou paese, est un personnage incontournable du cinéma italien & Comencini est bien le dernier qui y fera exception.

Son décor n’a rien qui ne deviendra pas un canon dans le genre : les ruines des bombardements qu’on n’a pas pris la peine de relever, la routine des tremblements de terre, la pauvreté, la place dans la société de la mère, de la police, de la religion, bref : tout cela deviendra trop connu & l’on a perdu de vue que Comencini créait avec cette œuvre son propre sous-courant néoréaliste. Pourtant, il suffit de se remettre dans l’époque pour réaliser que De Sica & Lollobrigida, respectivement dans le rôle du policier sérieux aux bonnes manières & de la pauvre diablesse au sang chaud, ne pouvaient pas jouer leurs personnages sans paraître les vivre – ce qui fonctionne encore à ce jour jusque dans les touches les plus suggestives.

Fais gaffe, il a volé des bicyclettes ; il peut très bien voler un âne.

Même avec l’effort de se remettre dans l’époque, la seule faute du film semble être l’amoureux transi, pourtant pas trop mal amené mais trop benêt au bout du compte – difficile d’avoir la prestance du timide face à un monstre comme Lollobrigida, remarque.

En fait, le casting est tellement à sa tâche que l’œuvre ne sait plus où se mettre & ne garde vraiment de trace de son réalisateur que des dialogues énormes & magnifiques (parfois dialectaux, miam) sous-tendant l’ironie avec laquelle il traite du fanatisme religieux & de comment il transforme les gens en bigots & en brebis égarées – il n’y a bien que l’Italie pour donner au prêtre du village le rôle du seul être sceptique, dont la charge de travail énorme dans le troupeau de crédules permet d’en faire un parangon de vertu sans l’humour d’un Don Camillo ni les écarts des Hommes “normaux” à qui l’on ne peut parler de pureté d’âme qu’en faisant une métaphore filée sur le linge propre. Ceux-là constituent “les gens”, la gente, la foule de misérables catalyseurs de bucolisme qui donnent son aura au film.

Inspirante, beaucoup suivie, la création de Comencini, comme tant d’autres, ne peut plus faire valoir depuis longtemps qu’elle sortait du lot.




 


6
4

Vendredi : Paramatta, bagne de femmes


(Douglas Sirk, 1937)


« Thématique : langue allemande »*






Douglas Sirk n’était décidément pas fait pour créer le cinéma de son temps, ni de chez lui : tout son casting est allemand & interprète la bourgeoisie britannique, celle qui est proche de la reine & où le proto-cabaret, avec sa semi-nudité, connaît autant d’adeptes que de détracteurs.

Ô étrange passage des ans faisant que l’époque dépeinte, 1846, nous semble aussi loin que l’année de sortie du film, 1937. Parce que c’est une représentation du passé dans le passé, impossible de nous connecter tout à fait à lui. Cela explique qu’on aura du mal à comprendre pourquoi les artistes qu’on appelle “actrices” sont sur la scène : & oui, le cinéma n’était pas encore né qui s’approprierait entièrement le terme & en ferait, dans les faits, une version masculine.

Comment alors faire la critique du film ? On peut être objectif devant des grandeurs impérissables du cinéma, mais Paramatta n’est pas de ce genre-là & n’a qu’une chose d’impérissable : la courbe cruelle que l’on va suivre de la déchéance d’une star, du succès de la scène au bagne pour femmes, avant sa remontée vers une vie plus modeste qui pour elle vaudra mieux, au moins, que la prison. Des dérives déchirantes font disparaître ses sourires & remplacent ses corsets par des chaînes, une chute énorme à laquelle il nous semble, du haut de notre 2020, que le cinéma des années 30 ne pouvait pas être compatible.

Paramatta, le bagne de Sydney, c’était le propos du film de Sirk, pas autant que la performance romantique ou autre norme du cinéma allemand. Et en poursuivant cet objectif, le réalisateur arrive à percer les couches sociales avec une facilité déconcertante, démontrant combien la position d’un individu peut être précaire là où la réputation est clé. Cette montagne russe du prestige en fait un film social majeur, dont les acrobaties du futile, déconstruisant à la fois avec rétrospection & précocité la dignité attachée aux classes sociales, sont une raison de déplorer qu’on ne s’en rappelle pas mieux.


 


 


2
3

Dimanche : Highlander: Endgame


(Douglas Aarniokoski, 2000)


« Hors-thématique »*






19 ans avant Avengers, le sous-titre très classe d’Endgame avait été choisi pour mettre un terme à la série Highlander. Pour la deuxième & l’avant-dernière fois. Mais il y a moyen de le voir telle une semi-catastrophe. Je vais donc prendre la défense du Diable – en plus, c’est rigolo à faire.

Mieux dans l’esprit de la saga que le 3 & beaucoup mieux que le 2, Endgame reconnecte avec le lore des Immortels, même s’il lui faut pour cela piétiner allègrement quelques règles & le fan service avec, sans parler des scènes filmées exprès pour le trailer, jamais apparues dans le film, qui serviront à faire paraître le film plus intéressant – un peu comme la série télévisée sur laquelle il se base comme si on n’avait le droit de porter un jugement sur l’univers de Highlander que dans l’éventualité où l’on aurait subi tous les produits incohérents & épars qu’il a fait germer.

“Je m’ennuie.”

Boucherie scénaristique & arnaque commerciale, la création d’Aarniokoski ne fait toutefois pas pire que ses prédécesseurs. Il confirme d’ailleurs la constante visuelle du Highlander, toujours typée faute d’être géniale (ses plans sont beaucoup trop serrés), & il y a de vraies tentatives du côté des combats, amusants ou imposants, qui posent de bonnes bases tant que les coupures ne masquent pas le manque d’inspiration & qu’on n’est pas trop regardant vis-à-vis de leur simple raison d’être.

Le montage est bouillasseux. On avance d’un tableau à l’autre comme si la nécessité de ne pas enterrer Highlander encore plus avait totalement fait paniquer le scénariste – du coup les dates & les plans récupérés du film original s’enchaînent dans le désordre – mais on donne un certain équilibre à Lambert : ni trop ni pas assez présent, on dirait qu’il se force à jouer (si ç’a jamais été différent au cours de sa carrière), toutefois sa qualité de vétéran du nanar le fait aussi bien fonctionner que le méchant, qui au moins est doté du minimum syndical de personnalité. Et puis zut, le moment de la mort de MacLeod est quand même émotionnant. Non ? Un peu.

La punchline de la franchise (“il ne peut en rester qu’un”) résonne comme la condamnation de la saga à la nullité éternelle (c’est d’autant plus ironique que chaque film consiste à RAJOUTER des Immortels) mais le film a un atout (un seul, sans doute) qui est sa volonté de s’attaquer directement au formidable ennui qu’avait causé Highlander 3 ; on peut dire ce qu’on veut du 4, il fait vraiment tout pour éviter cet écueil. Il se plante sur tout le reste, mais ça, c’est une autre histoire…






* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.

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