[Cinémavis #48] Miss Peregrine et les enfants particuliers (Tim Burton, 2017)


Des enfantastiques à la Burton ? Je m’attendais à un Narnia McPhee foldingue avec des poupées mécaniques auxquelles on donne vie. Bon, peut-être pas jusqu’aux poupées. Mais j’étais pas loin.


Je n’ai jamais été un « grand » fan de Burton, ne me retrouvant que rarement dans ses compositions douces-amères, même du temps où Beetlejuice confondait ses passions avec l’art d’un Coraline où le noir devenait une couleur chaude… Mais Miss Peregrine me rabiboche carrément avec son talent du nouveau millénaire, quoique bien différent de celui qu’il a déversé dans Big Eyes, un retour aux sources quoiqu’il m’en coûte de téléphoner l’expression.

Les signes distinctifs sont là : les couleurs très fortes, la profondeur de champ taquine, la nuit qui tombe d’un coup au coin d’une ellipse, et puis le fantastique qui émerge sans s’annoncer. L’enclenchement a du jeu, mais il faut bien… le jouer. Le jeu. En la matière, aucun souci : Terence Stamp et Eva Green sont là pour apposer le tampon vert de l’interprétation formidable, ouvrant la voie à Judi Dench qui arrive plus tard et avec une discrétion décevante, mais pour ouvrir sur toute l’implication de ce que cela signifie, « s’occuper d’enfants ». Une notion phare qu’on pourrait facilement oublier en s’attaquant au mary-poppinsage un manoir, et que Burton s’arrange pour ne pas perdre de vue.

Mixant l’air de rien la palôteté galloise où il capture les exhalaisons de quelque Brigadoon – c’est le brouillard – et le flamboiement floridien de plans semi-urbains qu’on connaît bien – ce pantouflard –, le réal va jusqu’à mettre en parallèle le familial et le culturel (notamment quand un père gentiment insouciant et mollement conciliant – Chris O’Dowd – se trouve confronté à l’accent de bartenders locaux), et… le sec et l’humide. Une frontière qu’on fait bien de respecter quand on s’aventure dans les grottes albiones.

Il s’est amusé, et il a bien fait : il place un smartphone parce que c’est dans l’air du temps, mais son tournage est « au naturel », respectueux des formes du paysage, usant de trucs et non de trucages. Cela le fait un peu exagérer parfois, quand l’amusement d’une scène est si aiguisé qu’on se coupe avec. Mais les péculiarités (qu’on me pardonne l’hapax) des children ont l’avantage d’être continues, de toujours peupler un coin de l’image ou du sound design, jusqu’à étoffer la fascination comme Fiona étoffe un arbre.

Eva Green a particulièrement la classe, serrant la pipe entre ses dents avec autant de style que Terence Stamp casse la sienne, le port hardi, les regards agiles : c’est un oiseau. Son pouvoir est contenu, retenu, traduit tout entier par ses pupilles – que je veuille dire par là celles de ses yeux ou bien ses protégés, cela revient au même, car tous brillent. Les monstres sont stylés, toute scène d’action a sa cuillerée de légèreté, et puis les zones d’ombre sont plus que bellement révélées par la photographie et les rebondissements.

Le seul frein à toute cette belle machinerie, ce sont les corollaires du genre, les inévitables questionnements du personnage quand tout lui tombe dessus, et puis les acchopements scénaristiques, les adieux… Autant de petits cailloux que Butterfield, visiblement atteint du syndrome de Barrymore-Radcliffe des jeunes acteurs en transition, ne dispose pas aussi joliment que ses interprétations antérieures le laissaient à espérer.

Parfois, Burton s’adonne à une certaine apologie de la morbidité qui peut être difficile à comprendre, mais contrairement à d’autres œuvres où elle reste crue, Miss Peregrine nous jette en pleine figure l’argument du fun. De voir des enfants des années 50 attaquer des monstres avec une armée de squelettes dans un parc d’attraction moderne sur fond de musique électronique a été le n’importe quoi le plus jubilatoire que j’aie vécu au cinéma depuis longtemps.


Conclusion : Burton n’est pas fini. Ce n’est pas Miss Peregrine qui me fera devenir un inconditionnel de son art, mais le film constitue une nouvelle percée dans ma relative indifférence à sa carrière, aux côtés de Big FishBig Eyes et Charlie et la Chocolaterie.

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