Cinébdo – 2019, N°4 (Confessions d’un homme dangereux, Il était une fois… la légion, Mon frère est fils unique, Le Vent des Aurès, Les Gardiens de la Galaxie vol. 2, +2)


Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine. Dites-moi ce que vous pensez des images pour chaque film !

PS : si vous appréciez mon travail, un like ou un commentaire (ou un abonnement !) aide à me bien faire référencer !

Sommaire
I want to go home  (Alain Resnais, 1989)
Confessions d’un homme dangereux (George Clooney, 2002)
Il était une fois… la légion (Dick Richards, 1978)
Mon frère est fils unique (Daniele Luchetti, 2007)
La parentèle (Nikita Mikhalkov, 1981)
Le Vent des Aurès (Mohammed Lakhdar-Hamina, 1966)
Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 (James Gunn, 2017)


Image d’en-tête : Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 ; films 19 à 25 de 2019

 

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Lundi : I want to go home

(Alain Resnais, 1989)

« Thématique : Gérard Depardieu »*

Un film qui s’est fait rare, ayant trop déçu les chauvins, pardon, les Français par son aspect fortement anglophone et américanophile. Forçant un peu le rabibochage de disciplines opposées sinon concurrentes (le cinéma et la BD) et de cultures qui ne le sont pas moins (la France et les États-Unis), Resnais se fait des ennemis en ne voulant choquer personne.

D’ailleurs, même la sous-couche n’a pas tellement plus de saveur ; Adolph Green et Gérard Depardieu nous jouent superficiellement la scène du choc culturel, ce qui fait double-emploi avec une expression nettement plus parlante de ces valeurs qui s’entrechoquent dans la façon de nous remémorer à nous-mêmes la France d’avant, ou en nous faisant jubiler de mauvaise conscience devant les réactions d’un étranger face à nos structures (quoique là aussi, ça joue sur l’étirement du marginal pour en faire des pseudo-bonnes raisons de se montrer patriotes).

Ce plaisir de courte haleine doit bientôt suivre les brumes théâtrales derrière le rideau (qui ne sont pas sans rappeler Demy, en moins jobastre). Il y a un certain intérêt dans les intrigues qui prennent mine de rien des airs dantesques derrière la timidité artistique qui flotte, mais les personnages et les allusions qui promettaient de se faire les catalyseurs de plus amples options se résument à la fin à des caricatures ; l’Américain violent, le Français frivole, l’Amérique systématique, la France épicurienne, tous ces monstres invisibles mais bien nommés finissent par totalement obscurcir le ciel. Même les accents (qui sont d’ailleurs exagérés en version doublée) sont instrumentalisés comme les serviteurs d’une confrontation panatlantique qui soit des plus croustillantes… mais la mie est déjà daubée.


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Mardi : Confessions d’un homme dangereux

(George Clooney, 2002)

« Thématique : Julia Roberts »*

Il y a comme une grande vague néo-hollywoodienne et caméogène formée par Soderbergh autour d’Ocean’s Eleven, vague portant dans son écume des curiosités dignes d’ouvrir un millénaire ainsi que Full Frontal et Confessions d’un homme dangereux. Clooney est pour la première fois à la réalisation et diantre, il ne démérite pas ! Ses plans sont impressionnants, souvent télévisuels mais aussi souvent lisses et techniques.

En revanche, le réalisateur ne cherche pas à créer la tension. Sam Rockwell s’en nourrit toujours, et c’est un peu sevré de force que l’acteur va jouer la vie d’une personne encore bien vivante à l’époque, et dont il est surprenant que la vie soit racontée ainsi, sans glorification, brute et seulement embellie par les paillettes cinématographiques. En fait, le film est l’adaptation où Chuck Barris, l’intéressé, s’invente une carrière de tueur à la CIA ; le script que cela donne est malheureusement aussi peu crédible que le livre au regard de la CIA elle-même.

Seul l’aspect schizophrénique prononcé vient à la rescousse. Sérieusement, j’ai cru dur comme fer, pendant les trois quarts du film, que Barris serait diagnostiqué comme tel (Confessions of a beautiful mind !). Mais c’est une fausse alerte, et la tâche de réalité l’éclabousse comme elle a éclaboussé d’autres dignes films biographiques comme Big Eyes. L’ambiance est souvent détestable, s’exhibant en de grands moulinets sur la corde raide de l’adaptation d’une vraie vie, et la preuve de sa chute est mon interprétation totalement à côté de la plaque en direct.


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Mercredi : Il était une fois… la légion

(Dick Richards, 1978)

« Thématique : Max von Sydow »*

Wojcek ?

Je crois qu’entre Fort Saganne, Le Désert des Tartares et ce film, je vais avoir des problèmes d’amalgames mémoriels ! Von Sydow apparaît dans ces deux derniers, mais pas du même côté de la clôture séculaire entre soldats et civils. Toutefois, les deux collaborent, tout comme les nationalités sur le tournage : c’est un casting anglophone qui fait parler la Première Guerre mondiale française en filmant au Nevada avec du sable marocain (une sombre histoire d’assurances empêchait de déplacer Hackman de son pays, victime d’un mal de dos).

Les décors sont jolis mais minoritaires (vive le sable d’importation !) et les dialogues communs. Mais Richards, en bon publicitaire, arrive avec nonchalance à faire parler le symbole : le chapeau d’un mort, en deux coups de cuillère à Jarre (Maurice), devient la métaphore instantanée d’une belle tristesse, dont on regrette qu’elle ne soit pas plus poussée dans l’écriture des personnages, lesquels restent assez centrés sur leurs mimiques comme si elles devaient être les seuls signes de leurs personnalités. Pareil pour Terence Hill, son rôle, c’est son sourire et ses acrobaties.

Les mondanités et la diplomatie sont des atouts de March or Die. Elles lui donnent un côté Peter Pan pas déplaisant, non plus que Deneuve, qui est fidèle à elle-même tout autant que méconnaissable, ou Ian Holm qui interprète un chef arabe avec brio. Hackman est un peu vieillot (sans doute du sable algérien lui eût-il mieux convenu), mais il n’est rien au regard d’une question qui se pose hélas beaucoup : pourquoi pas plus de ci, et pas moins de ça ? Des films que j’ai cités en en-tête, il est le moins mémorable, parce que rien ne le pousse au derrière comme l’ambition ou la tension. La guerre éclate comme sortie de nulle part, pas vraiment une fatalité ni vraiment une envie.

De vagues erreurs alchimiques pour un produit qui n’est pas de très loin inférieur à sa propre ambition.


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Jeudi : Mon frère est fils unique

(Daniele Luchetti, 2007)

« Thématique : langue italienne »*

Voilà le film à faire voir à celui que les drames ont lassé. Lucchetti ne trouvera pas le même équilibre dans La Nostra Vota à mon avis, mais je dis quand même « sì » ! Il confirme qu’il est un refondeur de genres, créant pour l’occasion un alliage très facile à classer mais novateur quand même : j’appellerais ça une comédie dramatique politico-familiale.

Les lignes de crêtes multiples vont converger vers un sommet venteux mais magnifique : le pic où s’affrontent symboliquement le fascisme et le communisme dans une lutte sociétale perdurante et cinégène. Dommage, par contre, que le film réponde aussi à l’apparente obligation qu’une convergence soit étouffante ; la moitié du film est comme un goulot d’étranglement qu’on ne passe qu’au prix de se presser le ventre contre une doctrine et de se racler le dos contre l’autre.

Mais s’il fallait une preuve que Luchetti sait où il va, c’est que le terme « tragicomique » lui convient si bien. On sourit de tout malheur parce qu’on en rit où l’on le dédramatise ; c’est une faveur que le réalisateur nous fait de réduire l’adage « à toute chose malheur est bon » à l’échelle d’un scénario, et de ce qu’il peut nous apporter le temps d’un visionnage. Pour selon qu’il regarde des deux côtés de la clôture (le titre du roman dont c’est tiré est « Il Fasciocomunista« ), il ne cherche pas à nous faire voir que l’herbe est de couleur différente. En fait, la clôture devait être ouverte puisque son caméraman a le « champ » libre et volette de loin en loin pour innocemment capturer la tendresse, ainsi qu’une impulsivité méridionale aux mains bien occupées puisqu’elle sert de contreforts à une adolescence italienne touchante, quoique témouine d’un bourrage de crâne.

On peut reprocher à Lucchetti d’avoir trop recherché le conflit et les causes de l’éducation plutôt que sa phénoménologie, car les acteurs, tout brillants qu’ils sont, ont à lutter contre une politique qui s’insère en eux comme un parasite manichéen plutôt que l’apport d’un spectre d’opinions. Mais c’est le tort de la jeunesse de croire que tout est blanc ou noir… ou rouge. Une œuvre qui va jusqu’à chorégraphier les disputes sans jamais empiéter sur la spontanéité liant deux adèlphes, une comédie mesurée, un drame feel good de qualité.


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Vendredi : La parentèle

(Nikita Mikhalkov, 1981)

« Thématique : langue russe »*

La conscience sociale peut-elle être si prégnante qu’elle étouffe un film ? D’abord, c’est symbolique : la Russie profonde dont il est si difficile de partir (…pendant cinq minutes), les préposés habitués à nettoyer dans la gare les résidus organiques d’animaux de type fermier, l’ami de Tbilissi qui importe un vin grec, tout ce joli monde de clins d’œil très insistant ne nous laisse pas filer : regarde, spectateur, pourquoi notre Mère Patrie souffre. Le « pourquoi » se met donc en place dans ce qu’il dépeint : dans la douleur.

Le « comment » est nettement plus qualitatif, surtout parce que les Russes sont étrangers au concept de mal jouer. Nonna Mordyukova, énergique voire flamboyante, met excellemment le ton, fusse-t-il hurlé, se transformant en le réceptacle idéale pour l’incompréhension d’une provinciale face à la vie moderne. La vie moderne, parlons-en, parce que c’est le comment. Dans cité, un ratio d’une grue pour une maison ; une culture américaine haïe pour son intrusion mais pas pour son symbole, parce qu’elle berce la jeunesse en laquelle sont les espoirs d’un futur différent ; des générations âgées désilusionnées par l’ouverture soudaine au monde (en 82, la chute de l’URSS se fait pressentir), des distances géographiques franchissables par train, mais des distances en mode de vie pour lesquels il n’existe même pas encore la roue.

Même s’il en fait trop, Mikhalkov montre tout ça, et il le montre bien, aussi proche de ses personnages qu’il peut se le permettre, mais jetant son regard au loin par un usage grandiloquent du zoom. On cherche son échelle comme ce pays perdu qui se raccroche à son identité en cherchant à faire le deuil des compromis. Un drame poignant, historique et pensé si bien pour son époque qu’on a l’impression de le voir à moitié en couleur ; en noir et rouge, sûrement.


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Samedi : Le Vent des Aurès

(Mohammed Lakhdar-Hamina, 1966)

« Thématique : langues du monde »*

C’est une Algérie vieille de quatre ans qui produit Le Vent des Aurès, vent chaud à tous égards puisque c’est celui d’une guerre plus récente que celle dont l’Europe se souvient généralement en premier lieu. Est-ce parce que la France y a amené le cinéma qu’on y laisse la place historique du français et des Français ? Il n’y pas de ressentiment, juste du sentiment, une injustice dont le coupable n’est pas pointé du doigt, mais dont on ne se détourne pas pour autant avec abnégation.

C’est une épopée entière de douleur que renferme le vent, une course contre des moyens jeunes qui rendent le montage affreux et la scénarisation hésitante. L’interprétation, elle, ne se trompe pas ; la profession n’a rien à apprendre, de même que la mentalité artistique ne trouve encore une fois pas d’obstacle dans sa manière de convertir la culture en beauté. L’air de rien, l’histoire nous entraîne dans les tourbillons d’une douleur térébrante, que la fin nous arrache pour faire autant de bien que de mal.


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Dimanche : Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2

(James Gunn, 2017)

« Hors-thématique »*

James Gunn a fait feu… de tout bois (it was not Groot) pour le « volume » 2 des Gardiens de la Galaxie, où il n’y a pas qu’une armée de techniciens mais une véritable armée d’artistes. C’est que Marvel est marvelous et nous sert du design à en revendre. Ça n’en est même plus effrayant que la planète qui est au cœur de l’histoire soit le plus gros objet visuel jamais conçu. Il y a de l’image partout, elle déborde et on en redemande.

Il est un grand cinéaste, peut-être le meilleur maître du principe selon lequel le cinéma doit être un art qui divertit. Comme en témoignent les cinq (!) séquences de générique, Gunn veut juste nous faire plaisir. Ce deuxième opus est optimisé de partout, et bien barré. Il y a du frisson et de la folie des grandeurs à tous les coins.

Le rythme mollit parfois trop fort parce que le placement de l’émotion se joue vraiment aux montagnes russes, mais tant qu’à reprocher quelque chose aux émotions, ce sera la manipulation. On nous apprend à rire de tout, parce que tout nous étonne, jusqu’au moment où l’on trouve cela normal de rire d’un massacre « pour le fun », ou bien qu’une seule survivante nous rassure alors que des milliers sont déjà morts. C’est de la fiction, vous me direz, mais je n’ai pas vraiment apprécié qu’on joue avec ma perception à ce point.

La musique aidant (Fleetwood Mac, Cat Stevens !, l’image comme le scénario finissent par se trouver une place de choix dans l’opinion spectatoriale, même si des points sont perdus avec la continuation du modèle scriptique. Mais quelle image ! Le grandiose générique de début n’est qu’un trop magnifique résumé du fun à la Gunn, manipulé avec dextérité et extase pour la conception d’un monde compact et incroyablement satisfaisant.


* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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princecranoir

« L’image comme le scénario finissent par se trouver une place de choix dans l’opinion spectatoriale, même si des points sont perdus avec la continuation du modèle scriptique. »
Après une journée de boulot, à l’assaut des Gardiens de la Galaxie, je t’avoue que celle-ci je l’ai tournée plusieurs dans ma tête avant d’allumer la lumière. » Je s’appelle Groot », ça je comprends. 😉

Eowyn Cwper

Je s’appelle Groot !

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