La réduction vocalique expliquée (l’accent tonique en anglais et en russe)


Qu’est-ce que la réduction vocalique et comment fonctionne-t-elle ?

L’accent tonique sert à rendre une syllabe plus audible. Sa position peut avoir une importance aussi grande que la différence entre deux consonnes, et il peut avoir des effets secondaires… intéressants. Le russe et l’anglais sont des langues où l’accent tonique joue un grand rôle, parce qu’il provoque la réduction vocalique.


Sommaire

  1. Langues sans réduction vocalique
  2. En russe
  3. En anglais

Voyez aussi mon article : y a-t-il un accent tonique en français ?


Langues sans réduction vocalique

En espagnol, l’accent tonique est facile. Sa position est déterminée par une règle simple :

Lorsqu’un mot est terminé par un N, un S ou une voyelle, l’accent tonique tombe sur l’avant-dernière syllabe.

Lorsqu’un mot est terminé par une consonne autre que N ou S, l’accent tonique tombe sur la dernière syllabe.

Quand il y a des exceptions à cette règle, l’accent est marqué à l’écrit. ”Aquí, habrá una oración”. On peut maîtriser l’accent tonique espagnol quelques jours après être parti de zéro, et deviner les exceptions à l’instinct au bout de quelques semaines.

L’autre avantage de l’espagnol, c’est que son accent tonique ne provoque pas de réduction vocalique. Vous n’apprendrez rien sur la prononciation des voyelles non accentuées, car elles sont les mêmes que les voyelles accentuées.

En russe, l’accent tonique est complexe – je ne chercherai pas à vous en dissuader –, parce que :

  1. les règles déterminant sa position sont diverses et dépendent de différents paramètres (la nature des consonnes par exemple) ;
  2. la position de l’accent tonique d’un mot varie beaucoup en fonction de ses formes (conjugaisons, déclinaisons) ;
  3. l’accent tonique n’est jamais marqué à l’écrit et doit être retenu oralement ;
  4. l’accent tonique cause la réduction vocalique.

Note : dans votre méthode d’apprentissage du russe, vous voyez peut-être l’accent tonique à l’écrit, représenté par un accent aigu. Са́ша, библиоте́ка, бы́стрый… L’accent tonique russe à l’écrit est une méthode pour les étrangers. En Russie, cela existe comme méthode d’enseignement pour les enfants, mais c’est loin d’être monnaie courante. La raison à cela, c’est que les enfants russes apprennent leur langue à l’oral avant tout, et que cela leur permet d’assimiler l’accent tonique inconsciemment.


En russe

Si l’accent tonique est si important en russe (et pas autant dans d’autres langues slaves), c’est parce qu’il provoque ce qu’on appelle la réduction vocalique.

Ce phénomène n’existe pas en français ou en espagnol, de sorte que la prononciation de nos voyelles est stable. Mais dans certaines langues utilisant l’accent tonique de manière distinctive (au contraire du français), les voyelles non accentuées sont réduites, c’est-à-dire qu’elles changent de timbre.

La réduction vocalique varie en fonction des langues qui en font usage. En russe, on peut la schématiser comme suit :

  1. /a/ → [ə] ;
  2. /o/ → [ɐ] ;
  3. /i,e/ → [ɪ] ;
  4. /u/ → [ʊ].

Si l’on montre ces glissements sur un diagramme vocalique, voici le résultat.

Le principe de la réduction vocalique, c’est que les voyelles qui la subissent se rapprochent de la voyelle centrale moyenne appelée schwa (/ə/ en phonétique, entourée sur le diagramme). Cette voyelle se trouve en français dans le mot « le » par exemple. C’est la voyelle qui nécessite le moins d’effort à prononcer, car on la produit avec la langue totalement détendue. C’est pour cela que les voyelles non accentuées – jugées moins distinctives – sont dites « réduites » (on dit aussi « centralisées » ou « neutralisées »), car elles sont produites avec un effort articulatoire moindre, là où il est moins nécessaire ; elles sont effacées par la voyelle accentuée qui, elle, n’est jamais réduite.

Formulé autrement, la réduction vocalique résulte d’une syllabe accentuée si « tonique » que les autres sont « dégradées » par effet siphon.

Une voyelle réduite est rarement une voyelle longue ou une diphtongue (toutefois, c’est possible).

Les voyelles indiquées sont des voyelles périphériques, nécessitant un plus ample mouvement de la langue et donc plus coûteuses en effort articulatoire ; la zone bleue marque les voyelles centrales. ⓒ CC BY-SA 4.0 Mr KEBAB et al.

J’ai simplifié la réduction vocalique russe pour des questions de lisibilité. Voici un tableau qui résume la totalité des conditions nécessaires et la façon que les voyelles accentuées ont d’être réduites (tableau traduit de l’anglais par mes soins pour Wikipédia).


En anglais

Saviez-vous que l’anglais aussi utilise un accent tonique distinctif ? Aucune règle ne détermine sa position, il varie beaucoup et il n’est pas marqué à l’écrit… Tout comme en russe.

On n’apprend pourtant pas l’accent anglais de manière systématique… C’est parce qu’il n’y a pas de réduction vocalique, me direz-vous ? Faux : elle est presque aussi importante qu’en russe, mais les voyelles réduites deviennent presque toujours [ə]). Dans les exemples suivants, la voyelle réduite est soulignée et le signe /ˈ/ marque l’accent tonique.

  • « record » (« enregistrement ») : [ˈɹɛ.kəɹd] (ɔ → ə) ;
  • « record » (« enregistrer ») : [ɹə.ˈkɔɹd] (ɛ → ə) ;
  • « derelict » (« délaissé ») : [ˈdɛɹəlɪkt] (ɛ → ə ; le est toujours prononcé [ɪ]) ;
  • « aerial » (« aérien ») : [ˈɛːɹ.ɪ.əl] (a → ə) ;
  • le mot « djellaba » (« djellaba ») peut être accentué à deux endroits différents : [ˈdʒɛ.lə.bə] ou [ə.ˈlɑː.bə].

Il y a toutefois de bonnes raisons à l’apprentissage systématique de l’accent tonique russe :

  • les homophones qu’il distingue sont plus nombreux (l’anglais ne le fait que pour les verbes et les noms homophones, comme les deux premiers exemples ci-dessus) :
    • « мука / muka » [mʊˈka] signifie « farine » et « мука / muka » [ˈmu.kə] signifie « douleur » ;
    • « писать / pisat’ » [ɪˈsatʲ] signifie « écrire » et « писать / pisat’ » [ˈpʲi.sə] signifie « pisser » ;
  • les homophones grammaticaux sont courants : « масло / maslo » [ˈma.slə] (« beurre ») prend son pluriel en « масла / masla » [məˈsla] et son génitif en « масла / masla »  [ˈma.slə].

Rien n’empêche d’apprendre l’accent tonique russe en regardant des films ou en écoutant de la musique (les chansons peuvent noyer l’accent tonique, mais la réduction vocalique, elle, reste). Il n’est donc pas nécessaire de trop se prendre la tête avec l’accent tonique russe à l’écrit, car il n’est jamais écrit en « vrai russe ». Mais c’est un bon indice de son importance : si on n’a que de vagues idées de la grammaire, on peut rapidement se retrouver à dire « je pisse de la farine » au lieu de « j’écris ma douleur »…

Mais surtout, maîtriser la réduction vocalique d’une langue est une étape cruciale dans l’acquisition d’un bon accent.


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(Article écrit sur la base de mes connaissances avec l’aide de personnes plus calées que moi qui m’ont évité de dire des bêtises.)

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[…] double M vient de <mb>, le L de <r> et le <e> d’un <o> qui se serait dénaturé parce qu’inaccentué. De cette manière, il peut imaginer le mot latin *prambo, et c’est une possibilité, parce […]

[…] réduction vocalique consiste à rapprocher une voyelle du schwa  [ə] . C’est souvent un phénomène […]

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