Cinébdo – 2018, N°49 (Drôle d’endroit pour une rencontre, Just Married (ou presque), Les trois jours du Condor, Merci ma tante, Full Frontal, +2)


Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.

PS : si vous appréciez mon travail, un like ou un commentaire (ou un abonnement !) aide à me bien faire référencer !

Sommaire
Drôle d’endroit pour une rencontre (François Dupeyron, 1988)
Just Married (ou presque) (Garry Marshall, 1999)
Les trois jours du Condor (Sydney Pollack, 1975)
Merci ma tante (Salvatore Samperi, 1968)
Full Frontal (Steven Soderbergh, 2002)


Image d’en-tête : Chappie ; films 291 à 297 de 2018

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Lundi : Drôle d’endroit pour une rencontre

(François Dupeyron, 1988)

« Thématique : Gérard Depardieu »*

Le script était concis : ”grand acteur échange une vieille voiture contre Deneuve”. Le grand acteur en question, c’est Depardieu, pour une ixième collaboration vouée à son propre culte. En ça, la grande ligne précitée ne va pas être accompagnée de petites lignes aussi fantastiques. Les dialogues radotent, les répliques piquent du nez. L’aire d’autoroute manque de poésie et le duo s’étouffe sur la psychologie de ses personnages.

Il faut attendre que l’ambiance se construise, comme l’autoroute qu’on ne prend jamais, comme la promesse de partir du film sans que cela ne soit, bien sûr, possible. Et l’arbre de goudron finit par porter ses fruits néo-noirs, la psychologie bouche ses ornières par la force de se connaître, nous et les personnages, et la surcouche des conversations s’homogénéise enfin comme la nuit au-dessus des lampadaires. Il fallait lire entre les lignes (blanches) pour voir la poésie, et la voici qui éclot avec la force molle d’une plante perçant le tarmac.

Dommage que cela doive venir avec la vacuité d’une histoire ne contenant au final pas grand chose, à part la morne atmosphère portée dans des relents de sueur et de bière par les routiers pour qui l’aire de repos fait comme une oasis. Ici, ce n’est pas du sale qu’est née la beauté. 


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Mardi : Just Married (ou presque)

(Garry Marshall, 1999)

« Thématique : Julia Roberts »*

Les towns américaines sont un champ infini de possibilités ; communautés ouvertes à l’extérieur tout comme refermées sur elles-mêmes, elles offrent exactement le format voulu par un film, en nombre de personnages comme de rebondissements potentiels. Les premiers films de Roberts l’avaient compris, et c’est un semi-retour aux sources avec Marshall… Un retour aux mauvaises critiques, aussi.

Pourtant, la vie de Roberts est une bulle bien pensée qu’on pénètre comme par effraction, d’amples mouvements de caméra rythmant la découverte de son monde et se faisant la métaphore de ses mœurs ouvertes. Gere et Roberts vont bien ensemble, la comédie est légère mais consciente de ses limites, et le côté doucement communautaire de la ville de Hale fait comme un fil rouge, et blanc comme le mariage, et bleu comme le ciel presque tout le temps ; les couleurs du « I love America » auquel on fait bien d’être converti pendant un moment.

Même si, il faut l’admettre, la patine est un peu trop optimiste et ne jette pas un regard sur la crédibilité de son cœur ; 50% d’absurdité et 50% de cocasse dans les mariages ratés en chaîne (pour référence, c’est 100% d’absurdité dans le titre français), mais pas vraiment de cohésion dans l’éclosion des sentiments.


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Mercredi : Les trois jours du Condor

(Sydney Pollack, 1975)

« Thématique : Max von Sydow »*

Un an avant de rejoindre Hoffman chez Les Hommes du Président, Redford était déjà journaliste, plus au moins au côté d’un Von Sydow montant. L’ambiance seventies est posée au maximum par les claquements des machines à écrire et les bips téléphoniques, mais Pollack a tendance à prendre ses atmosphères pour des mouchoirs en papier ; sitôt mises en place, sitôt jetées. Pas de temps pour les sentiments, et pas de temps pour mieux mettre Redford en situation. L’état de choc au moment des meurtres, il va falloir qu’il le condense. Il s’en débrouille bien.

Ayant bien massacré la profondeur de champ, Pollack passe ensuite au vif de son sujet. Une intrigue scabreuse, très compliquée pour pas grand chose, mais dont les indices qui traînent donnent lieu à un mystère bien épais et prenant. Des secrets si bien enveloppés que leur dénouement ne saurait qu’être plat. C’est sans doute pour y donner du relief qu’une romance est construite à la va-vite et que le scénario joue à la fois sur la dimension individuelle et celle, plus abstraite, d’une CIA-ception semblant perturber tout le monde.

Heureusement, le film aussi sait donner toute sa valeur à des éléments assez simples comme le téléphone, dont la monstruosité des implications devient agréablement concrète sous les mains d’un personnage avec un talent pour les embrouillaminis, fussent-ils politiques ou de câbles. On y perd le journalisme et l’instinct de survie, tout comme de vraies émotions ou l’intérêt du film d’espion, mais c’est un mélange nouveau qui émerge, opaque mais indistinctement plaisant, dont le sens arrive à faire comprendre qu’il joue un rôle.

On finit par avoir l’impression d’avoir participé à cette histoire de fous… et il y a plus désagréable, comme fantasme d’un New York cherchant à exorciser la Guerre Froide par un espionnage que le pays retourne contre lui. C’est la ville nature, avec de grosses injections d’une époque qui fait rêver, et d’un idéal de paix qu’on a de peine à ne pas mettre au crédit de ce genre d’art.


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Jeudi : Merci ma tante 

(Salvatore Samperi, 1968)

« Thématique : langue italienne »*

Une ballade psychologique à l’italienne. C’est tentant. Surtout filmé avec des mouvements si bien maîtrisés qu’ils rendent presque le reste de la technique anachronique. À 25 ans, Lou Castel (né Ulv Quarzéll, j’aimerais bien connaître la prononciation…) semble être le meilleur compromis d’expérience et de jeunesse pour camper la psychologie agitée et curieuse d’un adolescent dont l’entourage commence d’attendre des choses. Un archétype de l’enfant gâté qui va déployer ses ailes pour devenir un ange du cinéma… et un démon de personnage.

Ses crises simulées vont être les pointillés qui font avancer l’histoire par à-coups délectables, un peu comme la caméra qui saute de branche en branche, tout le temps près de l’action, dans l’intimité et jusque dans un érotisme spartiate, juste la dose de sexe qui n’évoque encore que l’amour. Autant de choses que le démon apprend à connaître en faisant semblant qu’il en est le maître, parce qu’il s’en prive par la manipulation et le chantage masquant son ignorance.

Psychologiquement, Samperi va très loin. Et ce, toujours dans l’ambiguïté des mobiles, ambiguïté malheureusement détruite par une fin qui ressemble à un moignon. Mais ce n’est pas très grave, car avant que le scénario ne se mette à tourner dans le vide (il y a bien 20 minutes à retirer pour amputer le souci), on a droit aux deux côtés des personnages, en tout cas les deux principaux (tous les autres semblent du coup avoir une dimension en moins, et le pauvre Gabriele Ferzetti en souffre énormément). Ces deux côtés sont le visage et le masque, ce qu’on montre et ce qu’on cache, la société et le moi.

Un parallèle fantastique et aussi merveilleusement mis en relief par la musique du genio Morricone, même si ses supérieurs cinématographiques n’avaient absolument pas compris qu’une musique se doit d’être respectée et pas coupée en sauvage au montage, ou répétée sous peine de devenir une rengaine et que sa subtilité soit dénaturée par trop d’évidence. Mais tout ça reste un gâchis tolérable pour une œuvre qui fait réfléchir en poésie et dans les limites du socialement raisonnable ; on parle tout de même d’inceste.


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Vendredi : Full Frontal

(Steven Soderbergh, 2002)

« Thématique : Julia Roberts»*

Le risque avec l’expérimental, c’est de choquer mais aussi de ne pas être clair, faute d’utiliser des motifs reconnaissables. Pour le coup, Soderbergh préfère semer la confusion dès le départ avec un faux générique, et dérouler l’histoire clairement pour nous en faire revenir. J’ai cru y voir une inspiration à Southland Tales (Richard Kelly, 2006), le genre mis à part.

Stéréotypicide et coup de gueuleFull Frontal fascine avec ce qui devrait nous insupporter. La caméra au poing semble ne rien apporter, et ne même pas soutenir argument quand on voit les moyens mis ailleurs sur le tournage. Le naturel des acteurs n’y change pas grand chose, commence-t-on de penser en levant un doigt mécontent.

Mais le doigt se rabaisse ; dans la futilité, au milieu de ce script qui semble avoir été construit au fur et à mesure autour du quotidien d’Hollywood, on se sent une sorte d’attirance pour la platitude scénaristique. Une familiarité indéfinissable nous y raccroche jusqu’à ce qu’on sache en préciser la nature : cette griseur, c’est celle du vrai quotidien. Ce qui nous scandalisait, c’est de la voir appliquée à des personnages dont on a l’habitude qu’ils nous soient aussi inaccessibles que s’ils étaient de fiction : les stars. Soderbergh nous confronte à notre propre paradoxe d’idéaliser les stars et de rêver être proche d’elles, et faisant semblant de remanier leur vie, alors qu’en réalité il nous l’expose.

On continuera (et par ”on”, l’on veut dire ”je”) de se poser la question de la caméra au poing. Le propre du prototype, c’est de ne jamais être totalement transparent. On aura compris les bribes d’histoire, qui finissent par faire sens, surtout guidés par des acteurs aussi méritants que Mary McCormack ou Blair Underwood (réunis dans Deep Impact), et puis c’est sympa d’avoir reconstitué des tournages avec le caméo de Brad Pitt pour rompre le quatrième mur au sens quasiment propre. Mais, oui, il y a de l’inexplicable. De l’art brut. Il faut avoir un bon sens de l’interprétation et envie d’en user.


Samedi : Quadrophenia

(Franc Roddam, 1979)

« Thématique : film musical »*

Ma critique détaillée de ce film sortira le 15 décembre !


Dimanche : Chappie

(Neill Blomkamp, 2015)

« Hors-thématique »*

Ma critique détaillée de ce film sortira le 19 décembre !


* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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princecranoir

Je garde un excellent souvenir des 3 jours du Condor et de son intrigue fiévreuse en période de Guerre Froide. Je me retrouve assez dans le descriptif, mettant toutefois personnellement au crédit du film les points d’achoppement mentionnés.
J’attends avec circonspection la critique de Chappie.

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