Cinébdo – 2018, N°45 (Les Fugitifs, Complots, Hunger Games: L’Embrasement, Le Masque du démon, The Wild Blue Yonder, Magical Mystery Tour, Yellow Submarine, Elysium)


Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine. Huit films cette fois-ci !

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Sommaire cliquable
Les Fugitifs (Francis Veber, 1986)
Complots (Richard Donner, 1997)
Hunger Games: L’Embrasement (Francis Lawrence, 2013)
Le Masque du démon (Mario Bava, 1960)
The Wild Blue Yonder (Werner Herzog, 2005)
Magical Mystery Tour (The Beatles, 1967)
Yellow Submarine (George Dunning, 1968)
Elysium (Neill Blomkamp, 2013)


Image d’en-tête : Yellow Submarine ; films 263 à 270 de 2018

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Lundi : Les Fugitifs 

(Francis Veber, 1986)

« Thématique : Gérard Depardieu »*

À mon sens, Les Fugitifs est le meilleur Veber-Depardieu-Richard. C’est déjà beaucoup dire qu’on retrouve l’ambiance de cette mode lancée par Les Compères sans avoir l’impression de redites. Bizarrement, le trio arrive à refaire les branchements pour une alchimie semblable mais qui marche autrement. Par contre, son vieillissement lui coûte pas mal de points appréciatifs.

Il y a plus de torgnoles, par contre. Et ça fait rire de voir Richard malmené pour de vrai pour les besoins du tournage, car il est quand même au centre de cascades pas piquées des hannetons. Point trop n’en faut, cela ne dure qu’un temps, et Veber va mouler l’intérêt des Fugitifs en une cavale interminable dont l’acharnement peut difficilement ne transmettre aucune émotion.

Et puis il y a une véritable recherche d’une mixture nouvelle entre rire et douceur que Cosma relève avec grandeur dans ses thèmes polyvalents. Hélas, la stabilité du mélange reposait sur Anaïs Bret, enfant actrice sans talent – qui n’a d’ailleurs pas fait carrière – dont les quelques lignes qu’elle profère ne sont pas exactement récitées ni monotones, mais toujours sur les mêmes notes. On se dit qu’on peut le mettre sur le compte de sa condition – son personnage est muet au début – mais elle est malheureusement le témoin trop visible d’une tentative d’originalité qui ne fait pas mouche.

Mais j’ai beaucoup trop parlé d’un détail ; ce regret ne peut ternir le film entier, qui reste une excellente comédie, quoiqu’un peu datée. De toute façon, la France semble avoir perdu le goût des comédies de qualité.


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Mardi : Complots 

(Richard Donner, 1997)

« Thématique : Julia Roberts »*

Avec Mad Max et Pretty Woman au casting, c’est un grand moment qui se prépare, et en plus la rentrée atmosphérique est bonne. Rarement un film a autant exploité les stéréotypes de New York avec un tel effet d’imprégnation ; les grilles de métro qui vaporisent, l’activité urbaine qui semble être plus grande la nuit, les taxis jaunes… Jusqu’à l’apparition d’une blatte unique et des rues sombres, l’ambiance semble vouloir nous faire oublier le Soleil même quand il est là, comme un Dark City un peu trop réel et littéral.

Au milieu de tout ça, Mel Gibson a construit son bunker, bidonville dans la bétonville, et son dada, c’est les conspis. Un sujet tellement d’actualité que la réaction d’étonnement de Julia Roberts devant ce hobby peu commun a assez mal vieilli. Dommage qu’il ne fasse aucun mystère qu’à force de chercher la petite bête, Gibson trouve autre chose qu’une blatte. Mais il donne tout son sens au mot « illuminé » : il est un fou qui a raison. Donner raison a l’absurde, c’est un pari osé se heurtant d’ailleurs à l’écueil d’une fin qui, quoique retardée, est corrompue par un versement dans le style du film d’action, mais on peut compter sur la musique très bien vue pour consolider la construction. Et puis il y a Roberts.

Parfois, on croirait voir un de ces films d’action à la Limitless où la science-fiction donne son souffle au vent déjà fort d’une scénarisation à outrance, et bien qu’il soit difficile d’approuver cela sur le papier, la déception n’est presque pas au rendez-vous (même s’il y a un léger essoufflement). Et notamment, Complots ne se corrompt pas dans le genre de bassesses qui ferait se promener les personnages sur tout le spectre de la méchanceté relative… jusqu’à un certain point. Finalement, on s’attache au film parce que c’est dur de s’y attacher ; vague romance new-yorkaise version Les Hommes du Président, il devient un truc un peu foufou qui se prend tout le temps au sérieux, et pas sans raison. Alors j’approuve.


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Mercredi : Hunger Games: L’Embrasement

(Francis Lawrence, 2013)

« Hors-thématique »*

Après ce deuxième film, je reste accroché à Hunger Games ! Au moins la série présente-t-elle cette différence de taille avec Divergente de ne pas sombrer dans une morbidité lasse et lassante.

Ce film est encore plus étonnant que le premier de la série pour son génie dans la représentation de la télévision. Pourtant, c’est une grande production. Et ça me fait bizarre de le dire, mais les médias sont encore mieux employés que dans Mr. Nobody ; cette caméra, qui jaillit de nulle part et qui s’anime toute seule pour capturer les personnages – des stars – juste à la sortie de leur domicile, est totalement glaçante, et donne une dimension jamais vue à la gêne qu’on peut éprouver devant un public invisible. La télé sort de scène.

Le luxe, antagoniste d’une pauvreté chaste, est également toujours magnifique, puisant son énergie dans une quantité impressionnante de costumes épatants, sans jamais renier sa belle dénonciation d’une décadence jodorowskyesque. Se faire vomir pour manger encore ? Bien sûr, comment voulez-vous goûter à tout sinon ? Et nous voilà revenu au temps des Romains, sauf que le vomitif lui-même est présenté dans un joli verre, en une quantité charmante, et arbore une douce couleur rose. Ce détail à lui tout seul, pour la référence historique et ses implications esthétiques aussi bien que morales, m’a totalement plongé dans l’histoire, me masquant le fait que Jennifer Lawrence devient un peu plus accessoire, et plus tard que l’attitude des autres personnages face à la mort arbore une insouciance dommageable.

Mais le but du divertissement n’est-il pas de mettre de la poudre aux yeux du spectateur ? Stanley Tucci, en figure de proue d’une télévision magiquement reconstruite, est le symbole de cette réussite. Il est éclatant de grincements, de faux rires et de bonne humeur en carton, si crédibles dans leur délirante absurdité qu’on a presque envie de lui offrir toute une chaîne télé pour nous égayer dans la vie réelle. Et c’est au rythme des pas de personnages presque aussi classes que lui que va s’égrener le temps, qui est pourtant long ; deux heures et demi. Les screenrewriters savent ce qu’ils font, et voilà le spectateur trop pris au jeu pour réaliser qu’on lui fait gober les mêmes choses que d’habitude.


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Jeudi : Le Masque du démon

(Mario Bava, 1960)

« Thématique : langue italienne »*

Au début de sa carrière, Mario Bava était déjà à fond dans le genre giallo, fût-il en noir et blanc. C’est, en plus, un film d’horreur, mais la vraie horreur est dans le vieillissement effroyable qui a affligé cette pauvre œuvre. Fruit d’une collaboration anglo-italienne située en Moldavie dont chaque gond grince (et je parle du tournage et de la production, pas des décors), l’histoire avance au même rythme que ses morts « jaillissant » d’une tombe avec force crochements de doigts et une inefficacité dont on a du mal à imaginer qu’elle était encore invisible à l’époque.

C’est de l’horreur sans horreur, où l’on porte autant de masques qu’on les parodie par expressions, mais au moins avec quelque astuce ; quand on parvient à oublier l’ambiance noire superposée au noir et blanc et à la péremption du Masque du Diable, on nous donne à voir deux ou trois maquillages acceptables, des caméras qui prennent le temps de se mouvoir doucement pour créer une ambiance qui ne tienne pas de la parodie, et des trucages variés –  comme le ralenti – qui sont là aussi vecteurs d’atmosphère. Mais quelle horreur, ces acteurs qui anticipent leurs cascades, et dont le moindre geste irréaliste a dû être scripté ! C’est très dur à regarder, et très ennuyeux.


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Vendredi : The Wild Blue Yonder

(Werner Herzog, 2005)

« Thématique : Werner Herzog »*

Herzog qui fait de la SF, ça ne pouvait être que très spécial. Et la déception est plus grande que celle que j’éprouve d’habitude à cause de la frustration que ses œuvres m’inspirent. On est en 2005, mais il n’est pas au courant ; minimaliste et lenteur vont être au rendez-vous de ce total contrepied d’Hollywood. C’en est même marrant de voir Brad Dourif seul au casting, réduit à un monologue monoémotionnel seulement deux ans après son rôle dans Le Seigneur des Anneaux ; comme quoi un bon acteur est bien ce qu’on en fait.

Le compromis reste rare et réussi : un compromis fait entre science et poésie qui vaut d’ailleurs cette ravissante note d’avant-générique de fin disant « thanks to the NASA for their sense of poetry ». Les plans dont c’est question sont directement hérités d’une vraie mission spatiale, ce qui est touchant et profond, mais ça fait aussi moins de travail à Herzog et un peu plus d’amateurisme… Pas du tout ce qu’il fallait à ce film faisant parler de vrais mathématiciens avec des bégaiements et des hésitations par trop authentiques.

Et puis c’est bien gentil de faire de la science-fiction avec peu de choses, mais à quoi cela sert-il s’il n’y a pas d’histoire au-delà de cette vague prose de l’image que rythment les plans antarctiques, et autres systèmes d’imagerie, recyclés de façon tout à fait visible et intégrés dans un scénario où la cohérence scientifique est totalement mutilée ? De la poésie, oui, mais celle-ci est amputée de son sens. La musique sarde est là pour nous hypnotiser, mais malgré la longueur moyen-métragique du résultat, elle finit par nous endormir tout court. L’ambiance est bien là, mais elle ne prend pas.

Ce n’est pas non plus dans les détails que va se relever mon opinion ; pourquoi bruiter les scènes dans l’espace avec des bips bips alors que la séquence est authentique et volontairement muette à la base ? Je respecte Herzog pour l’ensemble de ses travaux, mais il s’est à mon sens fourvoyé dans le moindre effort et dans la combinaison malvenue de ses passions pour le cinéma et le documentaire à la fois.


c2r2*

Samedi (1) : Magical Mystery Tour

(The Beatles, 1967)

« Thématique : film musical »*

Paul, on ne scripte pas un film en rêvant. Ce n’est pas en voulant recréer le rêve qu’on y est fidèle. La Beatlemania avait dû rendre l’Angleterre aveugle jusqu’à la cinématophobie pour que ce machin de cinquante minutes voie le jour. Il y a des éclats d’inspiration, mais ils sont disséminés avec aussi peu d’art et d’allure que des éclats de bois. Il n’y a pas d’histoire, les idées sont bêtes et mal mises en images, et l’on était en telle panne d’inspiration pour les transitions qu’on y a substitué des cartons moches, assez longs pour masquer l’absence totale de lien entre une séquence et la suivante. Les Beatles eux-mêmes s’y font symboliques, vecteurs absents d’un surréalisme oubliant d’être drôle la moitié du temps. Seule réussite, le micro-clip de Fool on the Hill, simple mais visant juste, conduit en France par McCartney dans une quasi-illégalité ; il y en avait bien besoin pour donner l’étincelle à cette mèche mouillée. 


c8r6*

Samedi (2) : Yellow Submarine

(George Dunning, 1968)

« Thématique : film musical »*

Il est dit que Heinz Edelmann est l’artiste qui a le plus contribué au film, et qu’il n’a usé d’aucune substance. C’est dur à croire, mais si c’est vrai, alors la force d’esprit dont l’Allemand a fait preuve pour imaginer le monde psychédélique est tout à fait remarquable. Il est dommage que les Beatles aient été doublés même en VO, car cela laisse flotter le film Yellow Submarine au-dessus de l’océan musical, sans amarres.

Mais du design à l’ambiance, tout réussit à la création de George Dunning ; c’est un des films d’animation les plus créatifs que j’ai pu voir, ayant su créer une sorte d’ « humour graphique » inimitable puisant largement dans l’absurde – et j’aime l’absurde. Il y a une certaine gêne à se sentir totalement dissocié du monde réel par l’animation comme par le surréalisme discordant, mais l’œuvre ne lésine pas sur les chansons ni sur les jeux de mots (la plupart intraduisibles, hélas) pour rétablir quelque dimension tangible.

On est ainsi mis aux premières loges d’un fourmillement permanent multi-facettes légendaire qui laisse malheureusement voir la précipitation avec laquelle le film a été produit ; çà et là, l’image est ratée, et par ci par là, le doublage –  quoique magnifiquement casté – dérape légèrement. Doit-on se réjouir que ses accrocs puissent de plus en plus être mis sur le compte de l’âge de la chose ? C’est à débattre, mais pas le déferlement multi-artistique jubilatoire qui tapisse le dessin animé !


c5r7*

Dimanche : Elysium 

(Neill Blomkamp, 2013)

« Hors-thématique »*

Sortant de Johannesburg pour continuer son aventure dans la science-fiction pure, Blomkamp a donné un peu de son âme à Passengers et à Automata pour l’ultra-informatisation du genre. Les ordinateurs, qu’on était habitués à voir en voix off, gagnent un peu de sentience et, sans sortir de l’off, deviennent de vrais moulins à parole. Parallèlement, nos cerveaux du XXIIème siècle sont devenus des ordinateurs eux aussi. Je crois que c’est ce genre de détails, potentiellement visionnaires mais occultés par le simple lustre qu’ils donnent à l’image, qui font des créateurs des vrais moteurs de notre temps.

Car Blomkamp, qui n’a fait que trois films, que de la SF et qui s’est amadoué Jodie Foster et Matt Damon pour ce second long-métrage, est vraiment un réalisateur qui sait où il va et pourquoi. Il s’est juste un peu fait avoir par le budget pharaonique tombé sur ses bras, et laisse son propos vagabonder de la rédemption hollywoodienne à un Sharlto Copley dont l’accent est toujours magnifique, mais dont le rôle de figure cauchemardesque est cliché à souhait. Ce qui lui donne aussi sa griffe (à Blomkamp), c’est son pays d’origine qu’il n’hésite pas à faire avaler tout rond à son œuvre, que ce soit par l’afrikaans ou par les projections de l’Apartheid dans un futur tout blanc (mais je veux parler de ce fantasme d’un monde où tout arbore une propreté éclatante).

Et puis le réalisateur est fanatique de design, et ça se sent dans ses plans plein d’énergie, où les caméras sont innombrables et semblent aussi mobiles pour de vrai que les vaisseaux du film le sont pour de faux. Je n’ai par contre pas compris pourquoi il a ressenti le besoin de sensationnalisme qui habite Elysium, des ralentis sur les scènes d’action à la caricature bêtement manichéenne de ses grands protagonistes. Son histoire roule comme un train immense et déterminé qui n’a cure du symbolisme ou de la poésie, et c’est dommage. L’on va toutefois mettre ça sur le compte de l’erreur de jeunesse, car on espère que Blomkamp n’a pas encore fini sa carrière !



* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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princecranoir

L’ennui semble être une composante fondamentale mais pourtant non dépourvue de saveur à mon goût dans le cinéma de Bava. Certes ici tout est factice à l’extrême, y compris la reine sorcière Barbara Steele qui pousse son premier cri d’effroi, mais la lumière enveloppe l’ensemble dans une ouate molle qui nous emmène en d’autres temporalités cryptiques. Ou pas.

Eowyn Cwper

Y’a des tentatives, mais elles n’ont pas vraiment marché sur moi !

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