Cinébdo – 2018, N°43 (Jean de Florette, Mary Reilly, La maison au fond du parc, Invincible, Quatre garçons dans le vent)


Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.

PS : si vous appréciez mon travail, un like ou un commentaire aide à me bien faire référencer !

Sommaire cliquable
Jean de Florette (Claude Berri, 1986)
Mary Reilly (Stephen Frears, 1996)
La maison au fond du parc (Ruggero Deodato, 1980)
Invincible (Werner Herzog, 2001)
Quatre garçons dans le vent (Richard Lester, 1964)


Image d’en-tête : Jean de Florette ; films 251 à 255 de 2018

c8r5*

Lundi : Jean de Florette

(Claude Berri, 1986)

« Thématique : Gérard Depardieu »*

Pouvait-il y avoir un meilleur film dédié à Chabrol ? Jean de Florette capture l’entièreté de ce qui faisait son univers, cette ambiance qu’on ne trouve qu’à l’aune de la lavande et de son soleil bien jaune, des collines verdoyantes sur lesquels s’écrasent la chaleur et le chant des cigales. Oui, clairement, tout est bien là pour inspirer la poésie, mais c’est quelque chose d’autre que Berri veut cultiver : la vie d’un paysan et de son grand-père, dont l’opportunisme innocent va subtilement se transformer en avarice malsaine. Auteuil aura vite fait de convaincre malgré l’accent du midi qu’il prend, et Montand arbore ce masque typique des grands acteurs qui, le temps d’un visionnage, nous fait oublier leur nom.

Au milieu de tout ça, il y a Depardieu, venu de la ville pour cultiver l’authentique et alimenté – différemment mais par la même source – par le génial dialoguiste passant aisément pour un Audiard de la campagne. La femme de Depardieu joue sa femme, aussi, même si cette collaboration ne donne pas des fruits aussi prometteurs que l’arbre ne l’était. Et entre Auteuil et Depardieu, un conflit ambigu, secret longtemps gardé seulement par ses instigateurs et le spectateur, une fleur noire qui reste longtemps de la belle couleur bleutée d’une amitié crédible.

Le passage du temps, au rythme des saisons, ainsi que la signification plus profonde de la vie à la campagne sont des aspects qui sont sûrement perfectibles, mais Berri parvient à jongler entre ses décors et son histoire sans couper aucun de ses fils rouges poétiques. L’émotion est un peu trop subtile, comme un arôme de lavande intermittent, mais elle est là, elle coule comme cette fameuse source au cœur de l’intrigue, « pas plus gros que mon doigt ». Un très bel instantané animé dont l’obsolescence est délicate.


c3r1*

Mardi : Mary Reilly 

(Stephen Frears, 1996)

« Thématique : Julia Roberts »*

Impossible pour moi de me débarrasser du sentiment immédiat que m’inspire le vieux Londres, ses brumes et sa sombreur glauque. Cet environnement me répugne. Y trouver Julia Roberts – dont on a dû abondamment badigeonner la face pour masquer son bronzage californien – est une source de fascination comme d‘affliction. Apprendre que Roberts et Malkovich ne s’entendaient pas n’est pas une surprise. Ils ne sont pas du même monde, et Frears n’a rien trouvé de mieux pour les rendre compatibles que de les écraser dans des plans serrés, comme si les alentours n’étaient pas déjà anxiogènes.

Pour tenir le coup, il faut s’accrocher aux quelques lignes cinglantes données à Malkovich (celles, en tout cas, que le forçage d’un anglais un peu désuet ne démolit pas) et à la musique de George Fenton qui est souvent dans le mille. Il faut dire qu’il n’y a pas grand-chose d’autre pour créer l’émotion. Pour ça, il ne faudra en tout cas pas compter sur la frimousse figée de Roberts (le froid anglais peut-être). Frears semble avoir voulu enlever le premier R de son nom pour donner des airs horrifiques à sa création, mais c’est par touches ; ça joue la carte de l’inattendu mais surtout celle de l’incohérence.

Comme on le sait à partir de la 3ème minute du film, Mary Reilly est un remake de Dr. Jekyll et Mr Hyde, lesquels Malkovich joue tous deux. Les différences physiques ? Il est rasé d’un peu plus près, et la couleur de ses yeux est différente. Pas une seconde les personnages ne se posent la question de cette ressemblance qui crève stupidement les yeux (mise à part une rapide phrase innocente d’un protagoniste dispensable) et le spectateur est censé être convaincu que ce sont deux personnes distinctes. C’est là le cœur de l’absence de crédibilité de ce film sorti vieux et usé de la machine à pondre des scripts, et pourtant ça ne donne qu’une vague idée d’à quel point l’œuvre est désagréable.

 


 


c1r1*

Jeudi : La maison au fond du parc 

(Ruggero Deodato, 1980)

« Thématique : langue italienne »*

Cette critique ne sera pas objective ; j’ai arrêté le visionnage au bout de quinze minutes. Je n’avais pas encore la puce à l’oreille après l’introduction figurant un viol ; cela ne voulait encore rien dire. Et en vérité, je n’ai même pas attendu de comprendre que c’était un film d’horreur. Le tournage à New York où tout le monde parle italien sans raison, les dialogues si mièvres que les transitions sont de véritables silences gênants, l’intrigue qui donne entièrement à penser à une introduction de film porno – quoique trop longue –, la musique idiote qui tourne en boucle, le moindre effort en cadrage et en post-synchronisation, ces gros plans sur ces visages trop beaux (et la parité, bien sûr !)… C’en était trop. Je remercie le réalisateur de m’avoir dégoûté si vite que je n’ai même pas pris le risque de perdre mon temps devant.


c5r5*

Vendredi : Invincible

(Werner Herzog, 2001)

« Thématique : Werner Herzog »*

Au tournant du millénaire, Herzog semble avoir voulu jouer la conciliation. S’inspirant de l’histoire vraie d’un colosse juif dans l’Allemagne des années 1930, il met ensemble la force et la beauté, mais ce n’est qu’un premier mélange. Il concilie aussi les scènes bucoliques typiques qu’il affectionnait dans ses années 80, où les paysages semblent toujours humides quoique pas forcément brumeux, et le globbe-trotting qui l’a habité dans les années 90. Partant de Pologne, il va faire voyager le personnage jusque dans la capitale du nazisme montant où il va devenir la marionnette aryanisée d’un Juif lui-même camouflé.

Quoique plus sédentarisé, le tournage d’Invincible est toujours en quête d’authenticité : le colosse est un vrai colosse finlandais (Jouko Ahola), la pianiste est une vraie pianiste d’expérience (Anna Gourari) et Tim Roth (qui est excellent dans son rôle) s’est surpris à pratiquer une hypnose non simulée, telle que réclamée pour le scénario. C’est donc sans tricher que Herzog revient sur sa terre natale pour faire parler l’Histoire. Mais on peut lui faire le reproche de ne pas avoir laissé le film se trouver : peu subtil (les rôles de Himmler et Goebbels sont caricaturaux, au mieux minimalistes) et traître à sa propre cause (Polonais et Allemands parlent anglais, mais avec accent, dans un Berlin panneauté en allemand), le film est trop politique pour être poétique (la montée du nazisme ne nous apprend ni n’apporte rien).

La collaboration de Ahola avec Jacob Wein, qui joue son petit frère, est un des aspects les plus satisfaisants du film, avec certains passages des dialogues (ceux de Wein et Herbert Golder – le rabbin – notamment) ainsi que la façon dont Herzog a donné de sa personne pour toutes les facettes du scénario sans discrimination. Mais Invincible laisse un goût amer de modernophobie dont la contradiction le gangrène ; Herzog fait le deuil de son frère ennemi Kinski, ainsi que de ses anciennes méthodes et du XXème siècle tout entier, mais sa ferveur traditionnaliste le cloue sur place.


c6r6*

Samedi : Quatre garçons dans le vent

(Richard Lester, 1964)

« Thématique : film musical »*

L’idée de ce film, quoique simple, est une trouvaille : faire jouer aux Beatles leurs propres rôles, un peu caricaturés. Les musiciens étaient sufisamment je-m’en-foutistes dans la réalité pour jouer aux acteurs proprement. Car ils s’amusent. Ils donnent – très logiquement – toute sa personnalité à la compilation signée Richard Lester de moments typiques vécus par les quatre légendes. En parlant de légende, celle du groupe est assez secouée par les conflits simplistes mais éclairants qui sont mis en scène pour donner un peu de vie aux personnages.

Peut-être doit-on reprocher au script d’être découpé comme le découperait un monteur ; avec le cynisme de la technique, et l’absence de poésie qui tient aux non-considérations pour le « liant » nécessaire entre les scènes. On veut bien croire que c’est une journée typique des Beatles, mais on dirait plutôt une journée stéréotypique que les multiples couches d’humour anglais hilarants faillissent à modeler correctement. De toute façon, l’humour est souvent réduit à des intermèdes, même quand il est transmis par le brazilien Wilfrid Brambell.

Au final, c’est une comédie plaisante et une création qui ne décevra pas les fans, qu’ils soient des inconditionnels ou des sympathisants, mais il ne faudra pas y chercher la valeur documentaire ou musicale ; des douze chansons qu’on y trouve, trois sont prégnantes, et basta. Mention spéciale pour le jeu d’acteurs toutefois.


 



* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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