Cinébdo – 2018, N°41 (Une Femme ou deux ; Amours et mensonges ; Le Manteau ; Cerro Torre, le Cri de la Roche ; Embrasse-moi chérie ; Back Soon)


Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.

PS : si vous appréciez mon travail, un like ou un commentaire aide à me bien faire référencer !

Sommaire cliquable
Une Femme ou deux (Daniel Vigne, 1985)
Amour et mensonges (Lasse Hallström, 1995)
Le Manteau (Alberto Lattuada, 1952)
Cerro Torre, le Cri de la Roche (Werner Herzog, 1991)
Embrasse-moi chérie (George Sidney, 1953)
Back Soon (Solveig Anspach, 2008)


Image d’en-tête : Une Femme ou deux ; films 240 à 245 de 2018

c2r5*

Lundi : Une Femme ou deux

(Daniel Vigne, 1985)

« Thématique : Gérard Depardieu »*

L’ensemble de ce film semble avoir été fait dans la vague d’enthousiasme d’avoir Sigourney Weaver au casting. C’est vrai que ça claque, une première ligne du générique annonçant Gérard Depardieu et Sigourney Weaver. Mais quant à ce qu’elle vient faire dans la campagne française, outre se mal doubler et bousculer du cochon – ça la change des aliens –, c’est un mystère. L’histoire n’a ni queue ni tête et tout est source d’affliction ; on dirait que le scénario est propulsé par une pile à énergie de Murphy proclamant gaiment sur son étiquette : « tout ce qui peut arriver arrivera » sans un regard sur la cohérence.

Entre un professionnalisme archéologique au rabais que monsieur le consultant Yves Coppens ne relève absolument pas de sa chute constante et les rebondissements emberlificotés dont Depardieu se sort avec dignité mais sans briller, l’œuvre est trop pressée pour être symbolique, et trop brouillon pour être un bon Vaudeville. Elle réussit à passer à côté du style comique, du crossover américano-français marrant, du film à fondement scientifique et du drame tout à la fois, résolvant beaucoup trop vite les bribes intéressantes qu’elle fait surgir de cette collaboration, et renouvelant ainsi les genres par maladresse et non par créativité.

Une Femme ou deux, c’est une gamelle cinématographique qui nous fait nous exprimer d’une surprise peu empreinte de pitié, car elle est aussi peu signifiante qu’elle est impressionnante ; exactement comme la ligne du générique annonçant Depardieu et Weaver ensemble.


c2r4*

Mardi : Amour et mensonges

(Lasse Hallström, 1995)

« Thématique : Julia Roberts »*

Moyen. Moyen parce que déjà, j’aime pas les chevaux, et le film en a fait son sujet. De façon plus objective, il semble être un retour de Julia Roberts aux films ayant précédé son avènement, mais sans glam. Décors et famille sont plantés de façon beaucoup trop proprette et pas d’une façon franchement ébourrifante ; le père businessman et tyrannique, la mère compatissante, la sœur compatissante en mieux, le gentil ami de la famille… Le réalisateur est d’origine suédoise et on lui doit Gilbert Grape, mais il se fait pour le coup le client facile du kit tout prêt pour un petit film américain standard.

L’œuvre ne sait pas du tout utiliser ses personnages ; les acteurs tournent dans le vide… leurs gueulantes sont bien faites, mais le modèle est tellement bien tracé à la base que le scénario roule comme un bulldozer sans pilote sur les fleurs qui poussaient spontanément sur ses plates-bandes ; un moment de tendresse, un mot bien placé ? Vlam, rouleau compresseur, et l’on se hâte de mettre une fleur en plastique à la place, bien dans les normes. On a l’impression que tout est millimétré, et ça tue tout, même Roberts et même le personnage de Duvall, qui était propulsé par un texte pas trop dégueu et la prestance de l’homme… Un film tellement vide d’idées qu’il vole celles du critique.


 


c3r3*

Jeudi : Le Manteau

(Alberto Lattuada, 1952)

« Thématique : langue italienne »*

Le Manteau, une histoire de Gogol transposée en Italie avec moult idée, mais pas pour un développement des plus exaltants. Mettant en scène un personnage bouffonesque dans une administration communale kafkaïenne et bornée, le film est incapable de faire éclore un humour qui ne soit brouillasseux, ou des réflexions qui soient libres de s’envoler en-dehors des cages du contexte. Le personnage principal est un dindon de la farce qui devrait faire ressentir frustration et pitié, mais il n’inspire en fait qu’ennui. On ne retrouve pas l’Italie cinématographique dans ces rues qu’on croirait celles de Londres, et ce village aussi noir et répugnant que s’il était né de Mocky.

On veut que Le Manteau y soit un personnage, mais son engeance n’est que puérilité, que ce soit dans son symbolisme financier (il représente quinze ans d’économie !), ou dans l’obsession qu’il incite, ou encore les conséquences de sa sous-estimation par les protagonistes. On sent le propos qui a voulu être traduit, mais les déclinaisons russes se sont pour cette fois révélées absconses.


c5r5*

Vendredi : Cerro Torre, le Cri de la Roche

(Werner Herzog, 1991)

« Thématique : Werner Herzog »*

On dirait que, fort d’être un réalisateur unique en son genre, talentueux quel que soit le décor naturel, Herzog a voulu faire taire les remarques comme quoi ses œuvres sont aussi fondamentalement splendides que pauvrement écrites… Et pour cela, il a fait pire dans les deux extrêmes.

Le Cri de la Roche, c’est une histoire inspirée de l’histoire vraie du Cerro Torre, le plus grand défi d’alpinisme sur Terre, qui est longtemps resté invaincu. Et Herzog plante ses personnages avec le désir de les propulser avec un véritable et littéral kit de survie : émotion, revendication de l’exploit, performance sportive, la combattivité qui s’instaure autour du mélange des unes et des autres… Et il leur plante quelques pitons sous la forme de réflexions discrètes et bizarrement engagées qui font réfléchir dans plein de directions à la fois.

Ça se déroule pas mal, si ce n’est pour deux impairs : les acteurs n’ont aucune présence, sauf Mezzoggiorno et la modique Gunilla Karlzen. Donald Sutherland et Mathilda May font pâle mesure, mais rien ne dépasse cette dernière en matière de jeu d’actrice crispant. Et deuxièmement, tout est placé avec beaucoup trop d’opportunisme dans le scénario ; la performance du tournage prévalait, ce qui est normal et réussi, mais l’on ne se défera pas du sentiment que tout tombe quand il faut que sa tombe, tout au long de l’œuvre.

Herzog a au moins le mérite de créer une ligne de partage des eaux incontestable qui remet bien en question la nature de la cinéphilie ; qu’est-on là pour voir ?


c9r6*

Samedi : Embrasse-moi chérie

(George Sidney, 1953)

« Thématique : film musical »*

Sans doute me serais-je rappelé du film, et sans doute la foule l’aimerait-elle plus, si son titre n’était pas aussi niais et paresseux. Mais passons. Ce film que je ne saurais nommer est une comédie musicale dans tous les sens du terme, où numéros et sketches deviennent synonymes et écrasent la notion de quatrième mur sous leurs semelles enclaquettées. Le propos : une pièce, The Mating of the Shrew, que les personnages montent et jouent devant un public qui pourrait être nous.

Les décors ne se cachent pas d’être en carton sur scène comme en-dehors, quand ils font partie du film, lequel, dans son ensemble, accomplit le miracle de ne pas avoir un seul souci pour le concept du quatrième mur. L’œuvre est jouée par les acteurs, et par les acteurs que ceux-là jouent, au point que l’apparition de l’audience est un choc ; tout n’était donc pas en train de se jouer sur un écran ? Ensuite, les acteurs de la pièces redeviennent les acteurs du film le temps d’une dispute jouée dans une apartée blasphématoire et libératrice ; l’improvisation est de mise chez les acteurs de la pièce, mais on a l’impression indécrochable qu’elle est celle des acteurs du film.

L’œuvre entière est une danseuse sautant d’un pied sur l’autre entre ses mondes vite installés, guidés par la prestance monumentale de Howard Keel déclamant ses lignes dans un anglais archaïque et lyrique impeccable. L’image est claire et le cadrage d’une lisseur incompréhensible pour son âge. C’est un film qui en met plein la vue, et pas seulement parce que la lubie de son réalisateur est de balancer un peu tout et n’importe quoi directement sur la caméra, que ce soit des pieds, des accessoires ou du liquide. Il se laisse un tantinet emporter par son côté épique, mais rien de grave, car il donne du relief à son Technicolor d’une façon tout à fait épatante.


c5r5*

Dimanche : Back Soon

(Solveig Anspach, 2008)

« Thématique : langues du monde = islandais »*

↑ Nouveau ! ↑

Un socio-poème ! Ce que j’entends par là : le film porte certes sur la poésie puisque son personnage principal, Anna, est une poétesse qui s’improvise dealeuse de drogue… Mais c’est aussi une exploration de Reykjavik par la voie de la poésie comme par celle de la société, lui faisant dire que son peuple est constitué de « p****ns de blonds aux yeux bleus » (sic) quand elle n’écrit pas.

Dans la vraie vie, Anna est une poétesse qu’on admire outre-mer pour ses lignes d’encre, et sur ses terres pour ses lignes de drogue. Pour ceux qui la connaissent, elle est une intime, ce qui crée une rupture violente entre la réalité et le poème qui n’est pas pour déplaire, surtout quand elle trouve son écho sous la forme des métaphores visuelles (la guitare) ou de la beauté de l’image (les paysages).

On s’ennuie un peu car l’histoire ne va pas vraiment quelque part, et l’on regrettera les personnages qui sont posés rapidement pour être abandonnés après un bout de chemin. On appréciera que le poème et la réalité s’inversent quand Anna est obnubilée par son téléphone, posant la profondeur de son hypocrisie involontaire tout comme l’absence de celle de ses textes. Mais le contraste est finalement assez peu productif, parce que alimenté par à-coups par le propos. On a parfois l’impression que le film fonctionne pour le dit de dire des trucs, et même les choses qu’on y apprécie passent pour des faire-valoirs.

Un cahot majeur est enfin celui du design ; un acteur français, une actrice britannique, une langue anglaise bien présente, une mention de McDonald’s et de Sigúr Ros pour faire rire les continentaux, et pouf : on a le parfait film d’exportation, rempli des promesses de s’envoler des côtes norroises pour plaire au monde entier. Je ne blâme pas l’opportunisme, si opportunisme il y a, mais le cas échéant, il transparaît trop.

Skapp Út n’est en fait une réussite que dans le regard qu’il pose, un peu contemplatif, à la frontière entre le matérialisme et l’idéalisme au sujet d’un Homme qui s’ennuie et se distrait de plaisirs simples. Mais les bonnes idées sont trop éparses et trop accentuées pour laisser croire à un franc succès de réalisation.



* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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