Cinébdo – 2018, N°35 (Southland Tales, Passengers, Lucky Luciano, Moscou ne croit pas aux larmes, Sunshine, Super 8)


Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.

Sommaire cliquable
Southland Tales (Richard Kelly, 2006)
Passengers (Morten Tyldum, 2016)
Lucky Luciano (Francesco Rosi, 1973)
Moscou ne croit pas aux larmes (Vladimir Menshov, 1980)
Sunshine (Danny Boyle, 2007)
Super 8 (J.J. Abrams, 2011)


(J’écris par passion de l’écriture et de mes sujets, mais c’est encore mieux d’avoir l’impression de ne pas être seul. Si vous aimez cet article, cliquez sur le bouton « j’aime », laissez un commentaire, voire partagez si vous en avez envie. Sinon, vous pouvez juste lire, c’est bien aussi. Merci beaucoup !)


Image d’en-tête : Sunshine ; films 208 à 213 de 2018

c6r6*

Lundi : Southland Tales 

(Richard Kelly, 2006)

« Hors-thématique »*

Voyez la critique détaillée ici.


c4r8*

Mardi : Passengers 

(Morten Tyldum, 2016)

« Hors-thématique »*

En fan inconditionnel de SF, j’ai aimé Passengers. Mais je l’ai trouvé mauvais. L’asymétrie (qu’on remarque sur les petits graphiques ci-contre) n’est pas aussi forte qu’avec un certain Independence Day: Resurgence (Roland Emmerich, 2016), mais elle est notable dès les premières images : les images du vaisseau spatial, déviant les météores à coups de bouclier, m’ont autant transporté que le trigger à l’histoire m’a révolté : une collision avec un gros astéroïde réveille 1 passager sur cinq mille ? Sérieux ?

C’est sur cette amorce dérisoire que Chris Pratt endosse un rôle solitaire qui va très vite éprouver les limites de l’intelligence artificielle : dans Passengers, elle est aussi futuriste et efficace qu’on peut l’espérer, mais n’en est pas moins confuse quand la réponse à fournir sort de ses schémas attendus. Il y a plein de défauts dans Passengers qui ne sont pas très originaux : le personnage de Chris Pratt est un mécano, comme par hasard, le scénario est sans surprise et barbouillé d’esprit de sacrifice en veux-tu en voilà. Mais passons ; Chris Pratt a été choisi pour le charisme, mais son rôle est bien entretenu par une détresse qu’il joue bien. Pas sûr que les décorateurs et les compositeurs aient fait un bon choix en s’inspirant de Wall-E (Andrew Stanton, 2008) ; c’est peut-être coïncidentiel, mais le résultat n’en est pas moins évident quand on y pense.

Au fond, Passengers, c’est un film qui fonctionne grâce à la solitude qui le marque de son sceau interstellaire ; il y a quatre acteurs, dont deux principaux, et ils se partagent cent-dix minutes, ce qui laisse beaucoup de place au spectateur pour apprendre à les connaître et croire malgré lui à leur romance. La solitude est le moteur qui sert de bonne excuse au scénario, lequel laisse clairement à désirer malgré les reshootings effectués deux mois avant la sortie. Mais tout de même, cette solitude… Elle vous agrippe le cœur à zéro kelvin et laisse sa trace glacée bien après la fin du film ; qu’on aime ou non, cette impression est là et c’est une réussite.

L’intimisme à la Gravity (Alfonso Cuarón, 2013) ne fonctionne pas avec la formule typée blockbuster du film, et faillit à créer l’étincelle révélatrice. Tout comme le film précité, Passengers se base sur l’inextricabilité de ses situations, mitigée tout d’abord, puis qui trouve un bon exutoire en le personnage de Laurence Fishburne (alias Morpheus dans l’ouvrage à quatre mains des sœurs Wachowski). Il restera un peu de ce procédé qui fera long feu.

C’est à peu près tout ce que Passengers mérite qu’on dise de lui. N’ayant d’autres acteurs que les têtes d’affiche, ni d’autres décors que le vaisseau Avalon, ravalon notre déception : Passengers est de ces films qui pompent beaucoup d’argent pour ne pas montrer grand chose et qui se reposent entièrement sur l’ambiance sans coup d’éclat. Il ne mérite son score que par, je le répète, cette solitude si pénétrante.


 


c2r2*

Jeudi : Lucky Luciano

(Francesco Rosi, 1973)

« Thématique : langue italienne »*

Sous un même angle de prise de vue que s’ils étaient Américains, mais avec un angle culturel différent, Francesco Rosi et ses sbires vont explorer New York, et plus particulièrement la mafia, comme de l’intérieur. Mais de l’intérieur, il y en aura trop : intérieurs de voitures, de commissariats, de larges vestes grises… on en viendrait à adorer bêtement les scènes où l’on ouvre une fenêtre sur un mur couleur ville.

Non vraiment, on passe trop de temps à se demander quelle audience pourrait être intéressée par ce film où tout le monde court après tout le monde pour en revenir au point de départ. Si l’œuvre avait fait cela pour relater les faits réels, c’eût été compréhensible, mais elle ne prend pas vraiment la peine de se remplir de quoi que ce soit d’autre. L’histoire est brodée sur le tissu râbaché d’une police sachant pertinemment qui sont les coupables de quoi, sans pouvoir pour autant les arrêter. Quant aux coupables, justement, on n’en saura rien de plus que l’image donnée indirectement par les médias et la foule, fascinés par ces truands qu’on ne voit jamais truander et qui passent du coup pour des stars.

Les discours sont bien pensés, et les acteurs maîtrisent ce qu’ils doivent filtrer de leur naturel pour personnifier les mafieux, mais on n’a pas l’impression que cela leur demande beaucoup de travail. On a l’impression de contempler un ballet de slow où l’on sait tout du long que les conséquences seront sans importance. Lucky Luciano, tout le contraire d’un film qui marque.


c7r5*

Vendredi : Moscou ne croit pas aux larmes

(Vladimir Menshov, 1980)

« Thématique : langue russe »*

Parfois, quand nos yeux ne savent plus dire ce qu’ils voient devant Москва слезам не верит, l’esprit derrière eux nous rappelle que le film se passe dans le passé ; il n’est pas si vieux que ça ! Pourtant, il date de 1980, et son âge peine à expliquer sa lucidité. C’est un film vo-lumineux, qui lâche la Vie et l’Espoir au milieu d’un scénario qui sert d’arène à ces deux entités, et dont le combat va générer une histoire à laquelle on ne peut faire que de rares reproches, par exemple le peu de forme donné au temps qui passe ; l’œuvre ne nous donnera pas l’impression que les années passent, même du haut de ses deux heures et demi.

L’anecdote nous apprend que Reagan a vu ce film au moins huit fois avant de rencontrer Gorbatchev, dans le but de « s’imprégner de l’âme russe »… Il est à espérer que cela ne lui a pas fait commettre d’erreur diplomatique, car la seconde lecture nous le fera percevoir comme clairement anti-propagandiste. Il est parsemé de phrases qui sont dotées comme de grands signes clignotants pour le cinéphile un tant soit peu féru d’histoire : « rappelle-toi que notre pays a le meilleur système médical au monde », « il paraît que les étrangers fêtent les grands évènements au restaurant », « deux personnes se sont rencontrées au club sans savoir qu’elles étaient voisines, c’est l’effet pervers de l’urbanisation »… Moquerie, valeur documentaire, mise en relief, relativisation ? Derrière ces apparentes contradictions, le réalisateur voulait que son film soit empreint d’histoire et d’espoir, mais le doute subsiste ; peu importe, car sa création est une réussite et n’en est que nimbée d’un plus beau mystère.

En plus, on n’a pas vraiment le temps de se pencher sur ces préoccupations ; le propos n’est pas tout seul et doit avancer au pas d’une intrigue qui n’a hélas pas grand chose à dire, si ce n’est la narration des amours et des déceptions d’une femme féministe, laquelle remporte sa cause par la force de sa persévérance et non de ses revendications. Une belle leçon qui nous remet à l’idée ce qu’était un Moscovite pendant la Guerre Froide et nous apprend que le monde communiste râlait déjà que ses hommes s’abrutissent à coups d’une télévision toute-puissante. Pas encore assez ? Attendez voir dans vingt ans, dit un personnage visionnaire. Pas encore assez ? Attendez voir dans vingt ans ! La Russie pré-gorbatchevienne avoue, au travers de l’ouvrage de Menshov, être issue d’un terreau commun où les supermarchés font la loi.


c5r6*

Samedi : Sunshine

(Danny Boyle, 2007)

« Hors-thématique »*

Le Soleil est un sujet original. En fait, c’est vrai quand on y pense ; les films de SF lui tournent autour ou s’en éloignent, mais jamais notre étoile n’est au cœur des scénarios comme elle est au cœur de notre système solaire. Pourtant, c’est bien dans sa direction, pour une fois, que va partir le vaisseau star de l’intrigue, dont le nom doux et logique est Icarus. Le contexte est moyen, la cause irréaliste : en 2057, le Soleil est mourant ? Mais soit, l’explication à ce détail ne fait même pas partie du film de toute manière.

Sunshine n’adopte pas un départ aussi brillant que son titre. L’intégration de la modernité science-fictionnelle se fait dans un certain embarras, d’une façon un peu abstraite. Au moins cela laisse-t-il de la place à des dialogues certes réchauffés, mais qui ont le mérite d’être équilibrés. Autre avantage : le scénario ne se perd pas en surexplications, ce trait typique et stupide des blockbusters. La force de Sunshine, c’est qu’il met des trucs clairs et fait appel à quelques points de QI du spectateur pour être vraiment immersif. En plus la musique est bonne.

Il n’y a ni priorisation de personnages sur d’autres (pas même dans la façon de les présenter malgré qu’ils font partie d’une hiérarchie !) ni culte de la personnalité des acteurs, ni superculture du mélodrame. C’est chouette. Au point même que les protagonistes ne sont pas d’infaillibles génies : il y a des erreurs bêtes, une peur des responsabilités, des fascinations morbides et des craquages. Bon OK, ce dernier détail est commun aux blockbusters. Mais cette ligne de conduite nous guidera tout au long de la première partie.

Toutefois, à force de jouer avec le feu de levers de soleil mortels, les scénaristes se crament un peu le chapeau. Sunshine devient tout à coup Humain : le Cinquième Passager et part dans un délire graphique bien foutu mais confusant pour rien. Le film cherche sa conclusion dans un terreau déshydraté n’apportant plus guère de satisfaction que celle de son spectacle. C’est en roue libre que se termine l’histoire ; pas de bourde véritable, mais une occasion pour nous de jeter un coup d’œil en arrière et de se rendre compte que la route n’était pas forcément très bien pavée.


c5r6*

Dimanche : Super 8

(J.J. Abrams, 2011)

« Hors-thématique »*

J’ai un préjugé sur J. J. Abrams. En bien. Qui est ce réalisateur qui n’a fait que du Star Trek et du Star Wars (sauf Mission Impossible 3 et Super 8), qui en a fait des trucs bien, et qui est adepte des vieilles techniques dans un monde où le virtuel, au cinéma peut-être plus qu’ailleurs, est roi ? J’attendais beaucoup de Super 8 parce que le film est de loin sa création la plus intimiste : ses personnages sont nés la même année que lui (1966) et pratiquent le cinéma amateur, comme lui. C’est aussi une idée originale. Avec en prime une quasi-co-réalisation avec Spielberg, ça ne pouvait être que bien !

Premier sentiment : la direction d’acteurs est balèze. Les interprètes des enfants sont nés aux alentours de 1997, et deux d’entre eux signent là le début de leur carrière. JJA assure complètement en tant que leur guide. La nostalgie est palpable quand il fait dire au personnage du shérif « Kids walking around with their own stereo is just what we need… It’s a slippery slope my friend » (« Des gamins avec leur propre stéréo, c’est bien ce qu’il nous faut… C’est une pente glissante, mon ami »). En une petite phrase qui fait figure d’allusion au monde moderne, le contexte est bien placé sur ses gonds, et un monde kinguien s’ouvre comme une faille temporelle. Faille qui se referme assez vite parce que Super 8 demeure une superproduction, et l’intimisme de JJA bouffe toute la place pour une quelconque autre sorte de simplicité.

Or il aurait fallu de la place pour les attaches affectives : les parents, le chien perdu… Ces aspects sont assez négligés, et il manque la pierre émotionnelle à ce scénario qui démarrait bien. En nous replongeant décemment dans l’atmosphère du cinéma et des towns des années 70, Super 8 retombe aussi dans les clichés de l’horreur de l’époque, ce que JJA semble contrebalancer par une utilisation à outrance des screamers coupant la parole aux personnages. Cela arrive au moins quatre fois et n’apporte pas grand-chose.

L’empathie policière, bien faite et campée par le deputy superaméricain de Kyle Chandler, est en proies aux attaques de la bourrinitude militaire, mal faite et interprétée en premier lieu par Noah Emmerich. La seconde l’emporte malheureusement, et il n’y a pas besoin de chercher bien loin pour comprendre pourquoi : le film devient une zone de guerre, un quasi-survival où les gamins vont jouer, là aussi, l’horreur à outrance. Énième clin d’œil aux années 70, sans doute, mais cela dépasse le seuil de l’inutilité. Le duo d’enfants courageux, l’un leader hors-pair, l’autre artificier, laisse clairement à désirer, et le manque total d’originalité de la conclusion nous laissera sur notre faim d’un film qui aurait été fidèle à son entrée.



* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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