Cinébdo – 2018, N°34 (Danton, Le Choix d’aimer, L’Histoire de Piera, Mélancolie ouvrière, Pink Floyd: The Wall, Mad Max au-delà du Dôme du Tonnerre)


Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.

Sommaire cliquable
Danton (Andrzej Wajda, 1983)
Le Choix d’aimer (Joel Schumacher, 1991)
L’Histoire de Piera (Marco Ferreri, 1983)
Mélancolie ouvrière (Gérard Mordillat, 2018)
Pink Floyd: The Wall (Alan Parker, 1982)
Mad Max au-delà du Dôme du Tonnerre (George Ogilvie, George Miller, 1985)


(J’écris par passion de l’écriture et de mes sujets, mais c’est encore mieux d’avoir l’impression de ne pas être seul. Si vous aimez cet article, cliquez sur le bouton « j’aime », laissez un commentaire, voire partagez si vous en avez envie. Sinon, vous pouvez juste lire, c’est bien aussi. Merci beaucoup !)

 


Image d’en-tête : The Wall ; films 202 à 207 de 2018

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Lundi : Danton

(Andrzej Wajda, 1983)

« Thématique : Gérard Depardieu »*

Danton représente autant un compromis politique qu’il en est un lui-même. Réalisé par une icône polonaise du cinéma, Andrzej Wajda, à une époque où le communisme était présent dans la conscience populaire tout en restant l’apanage d’un orient désidéalisé, il place Depardieu en figure de proue d’un navire dont personne n’a pu réaliser le tirant d’eau. C’est cette profondeur qui devra à l’œuvre sa renommée, et c’est à elle toujours que l’on doit de pouvoir lire aujourd’hui des phrases au doux tintement fédérateur comme ce titre d’une critique du film : « le meilleur film produit par la France sur sa Révolution ».

Depardieu ne fait pas un aussi bon orateur que Gabin dans Le Président, mais j’ai de nouveau l’impression qu’il connaît le vrai départ qualitatif de sa carrière. Sans doute la production en fait-elle trop à vouloir ne mettre que des acteurs polonais dans le camp de Robespierre, et que des français dans l’autre, car c’est bien entendu entre ces derniers que les arguments sont lancés (ils sont les morceaux de premier choix au sein de dialogues autrement denses mais pas géniaux, ni dans l’allure, ni dans la reconstitution) et l’intérêt des joutes oratoires est quelque peu usé par un doublage très symptômatique des années chauvines (à savoir mauvais).

Finalement, Danton offre une belle représentation de l’an 2, sachant bien trouver les moyens de refaire le vieux Paris quand il ne dépeint pas la claustrophilie un peu crasseuse de l’administration en ces temps immémoriaux. Mais cette dernière est aussi responsable d’un fort arrière-goût théâtral, contre lequel les gros plans et les quelques micro-travellings sont impuissants, et qui ne laisse pas une très bonne impression, un sentiment de proximité trop grande avec le monde réel, celui qui fait semblant. Cela semble confirmer que la performance du texte et des acteurs sont les ingrédients à retenir, mais les deux, comme on l’a vu, sont imparfaits.


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Mardi : Le Choix d’aimer

(Joel Schumacher, 1991)

« Thématique : Julia Roberts »*

Le Choix d’aimer, c’était avant tout le choix de faire ce film. Du sur mesure avoué de la part de Schumacher pour Julia Roberts. C’est un film qui n’est pas nul et qui a quelques idées, mais il est évident que ce n’était pas le genre du réalisateur de faire une telle création. Preuve principale : c’est un film clairement fracturé en deux, la première partie ne servant qu’à préparer – médiocrement – le terrain à la seconde, qui contient le propos ciblé par le film, lequel réussit l’exploit d’être inattendu (parce qu’il sort de nulle part) tout en étant prévisible dès qu’on est dedans.

Le personnage de Julia Roberts est campé en vitesse. Celui de Campbell Scott (connais pas), encore plus. En fait, les deux personnages se rencontrent par le biais d’une entrevue qui est bien pratique pour faire tenir plein de choses en peu de place, ainsi que pour se débarrasser au plus vite de la question posée par Roberts : « pourquoi m’avez-vous choisie ? » Machin Scott ne répond pas et la question restera posée pour le spectateur.

L’impulsivité et la naïveté de Roberts sont malvenues dans son rôle, et jurent avec l’aisance de l’actrice. Elle représente la jeune femme qui trouve un travail mêlant chance et désillusion (à savoir s’occuper de Machin Scott, dont le personnage est leucémique) et doit illustrer un choc des mondes ; elle vient d’un milieu ni modeste ni rupin (donc chiant à mourir) et lui est fils d’un grand industriel. Sur cette base absolument pas réchauffée et absolument pas cliché, un montage hâché va essayer de nous faire comprendre – en vain – que là n’est pas l’intérêt de l’œuvre. Je dis « en vain », car cette partie du film est très longue et, rappellez-vous, la suite est inattendue.

Le film se reprend en main par la force de nous faire oublier ses erreurs. Une fois le vif du sujet lancé, la tendresse s’installe. Machin Scott semblait bizarrement mieux jouer sans cheveux (question de charisme ? Le bandana lui allait bien…) mais le couple qu’il forme avec Roberts est agréable, faute de nous faire vibrer. On aura l’impression, tout de même, que quelque chose émane de ces contrées nord-nord-américaines, et l’ambiance nous baignera le temps de reprendre nos repères. Mais quand le générique arrive, le bain est déjà froid – heureusement que D’Onofrio apporte du bain moussant comme cadeau de Noël (aussi bien dans l’histoire que métaphoriquement) -, ou bien l’on verrait encore les erreurs du film flotter à sa surface.


 


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Jeudi : L’Histoire de Piera 

(Marco Ferreri, 1983)

« Thématique : langue italienne »*

Que dire d’un film qui ne nous dit rien ? L’Histoire de Piera se donne des grands airs avec son titre pompeux qui, si on s’est renseigné au préalable, nous annonce une biographie. Au moins Ferreri nous fait-il considérer avec subtilité la frontière entre le sexe et le cycle de la vie au travers du personnage fou de Hanna Schygulla, qui sera d’ailleurs primée à Cannes pour ça, et bien à raison.

Au global, cela pourrait constituer la vocation du film, qui ne manque pas de nous laisser dans le doute à d’autres endroits ; en premier lieu, pourquoi l’inceste semble-t-il toléré dans l’enceinte de l’histoire ? Mais on aura plutôt tendance, à la longue, à mettre ça sur le compte de l’hésitation, puis du manque total de caractère ; sans même parler du scénario qui exerce zéro fascination, l’œuvre se borne à une ambiguïté muette ; dans l’histoire vraie, il y a de l’inceste, de la pédophilie, de l’homosexualité, et tout cela a bien plu à Ferreri qui a réalisé La Storia Di Petra de manière à nous culpabiliser d’être intéressé, et ce grâce à des acteurs expressifs et sûrs d’eux (que le doublage massacre), mais il commet l’erreur de nous laisser recouvrer une conscience tranquille parce qu’il ne se mouille pas ; pas de jugement, pas d’allusions, pas de conclusion, rien qui puisse nous relier à l’histoire vraie derrière cette fable.

Ferreri semblait mesurer l’équilibre entre le scandale et la lucidité, mais l’abandonne au profit de… rien du tout. Tout nous donne à croire qu’il n’avait rien à dire : le scénario ne porte pas ses propres clés, l’érotisme semble ne servir aucun but, et les personnages ne paraissent même pas avoir été imaginés avec un quelconque arrière-plan biographique autre que le peu que le film veut bien nous en montrer. Au final, ce sont même les acteurs qui nous donnent l’impression d’avoir été enfermés dans des petites boîtes sans signification. 


c4r4*

Vendredi : Mélancolie ouvrière [téléfilm]

(Gérard Mordillat, 2018)

« Hors-thématique »*

Si vous entendez dire qu’il y a Cluzet dans ce téléfilm, c’est vrai, mais attention, fiez-vous plutôt à l’affiche car son rôle n’est pas grand. L’œuvre est aussi modeste que son sujet ; Ledoyen porte bien son personnage de « première femme syndicaliste », mais même elle ne parviendra pas à compenser les textes rédigés sans mesure pour faire bon genre et cohérent dans l’époque. C’est un peu triste car les dialogues sont foncièrement bons et le couple d’acteurs principaux aussi, mais les uns ne sont pas faits pour les autres. Il s’agit peut-être là d’une faiblesse de direction artistique, ou de trop d’ambition dans l’écriture.

L’atmosphère est présente quand les figurants ne bâclent pas leurs lignes. La place de l’anticléricalité est bien pensée, et chaque chose semble prendre juste le temps nécessaire pour être prise en compte sans rabâchage. Mais avec du recul, l’image générale est un peu différente ; le scénario évolue par hoquets, les transitions ne se faisant pas le moins du monde les convoyeuses d’un sens global qui aurait survécu d’une scène à une autre.

Drame social, petit film qui s’excuse de sa petitesse en se faisant l’honorable documentaire d’une cause naguère dignifiée, il y avait une ligne sur son cahier des charges qui disait : « doit durer quatre-vingt-dix minutes chrono parce que c’est pour la télé ». Il y parvient en donnant honteusement dans le mélodrame avec une conclusion tellement essoufflée qu’elle a besoin d’afficher un encart de texte pour rassurer le spectateur. Au moins le film mesurait-il ce qu’il était, et aussi accomplit-il sa mission sans prétention et avec quelque justesse, mais il demeure, à tous égards, le parangon du télécinéma.


c6r7*

Samedi : Pink Floyd: The Wall

(Alan Parker, 1982)

« Thématique : film musical »*

Il n’y avait pas très longtemps que j’avais vu The Wall, et je m’étais ennuyé. Quel sot ! L’album est fantastique et Alan Parker a complètement compris dans quel délire le groupe était parti. Il dépeint la folie en rendant son film fou, créatif à outrance, puisant dans les métaphores visuelles comme on plonge dans les parties animées aux si magnifiques transitions, et le résultat est psychédélique, sans la dose de clichés que le terme revêt, ni les idées préconçues qu’on peut avoir dessus. Ses longs travellings et sa caméra très lente sont comme des aspirateurs à sensations, lesquelles ne sont pas alimentées par grand-chose – un acteur charismatique, des idées qui s’entrecroisent, un peu d’absurde –, mais cela suffit.

Je pense que j’étais passé à côté du film la première fois car c’est une œuvre psychologique qui ne s’en donne pas les airs. Et quand il nous happe, on n’a pas l’impression de réfléchir. Il faut pourtant être alerte pour détecter les allusions parsemant The Wall, et saisir le sens de ses circonvolutions et de ses références historiques. Rien de caché pour autant ; tout est là, comme un livre ouvert sur une langue qu’on comprend dès qu’on le veut bien. Jonglant avec l’oppression, un montage aussi mystérieux qu’énergique, et l’insanité mentale qui se mêle l’air de rien à des critiques du monde riches en parallèles, Parker nous fait rêver sans jamais trahir ni l’âme ni le propos de Pink Floyd. Quoique…

Déceptions : le film est trop court, ne contient pas assez des chansons de l’album, et laisse attendre un climax qu’on a l’impression de toujours avoir senti monter sans jamais le voir vraiment, rendant la fin décevante et presque choquante (un trait symptômatique de Parker à mon sens). Un peu comme s’il y avait un « plafond anti-Parker » qui l’empêchait d’accéder au véritable génie, et de faire des sensations vibrantes parcourant le film quelque chose de supernovique, une frontière bien dommageable qui empêche le talent de générer un chef-d’œuvre. C’est donc un film trop court dont la faiblesse initiale prend des airs de défaut, mais aurait-il suffit qu’il couvre tout l’album pour être un chef-d’œuvre ?


c2r3*

Dimanche : Mad Max au-delà du Dôme du Tonnerre

(George Ogilvie, George Miller, 1985)

« Hors-thématique »*

On aurait pu croire que la série Mad Max, forte de moyens qui se modernisent plein pot et d’un budget croissant, pourrait figurer parmi les rares franchises qui ne se sont pas délitées. Et le départ est relativement décent ; on a un peu l’impression d’être sur Tatooine, mais les décors l’emportent une fois de plus, même si ce n’est pas compliqué de tourner dans l’Australie profonde et de dire : regardez, un paysage post-apocalyptique.

Il ne faut pas plus d’un quart d’heure pour lister toutes les grosses erreurs commises par Miller et Ogilvie ; Mad Max 3 carbure à coups de coïncidences hasardeuses, de rapports de force fantaisistes et de combats beaucoup trop hypants pour être honnêtes. Le soi-disant tant attendu duel sous le dôme du tonnerre est une clownerie sans nom arbitrée par une Tina Turner qui a de la chance d’être à l’aise dans son rôle. Puis le scénario part sur un Sa Majesté des Mouches version désert qui fera une rupture horrible avec la première partie et nous introduira dans un monde, quoique bien fait, qui est sans grand intérêt, et dont on sent qu’il n’est qu’un prétexte pour passer à la suite.

Le scénario ne tient pas la route, ce qui la fout mal pour un film basé sur les engins motorisés. Mais ce n’est qu’après une bonne centaine de minutes qu’on va enfin les ressortir ; à ce stade, c’est ce qu’il y a de plus intéressant de toute manière. Avant ça, il faut supporter les clichés (les grands sont bêtes) et le choix des alliés de Max (fait à la courte paille, visiblement, puisque rien ne vient le justifier). Il faut aussi composer avec une musique de Maurice Jarre totalement inadéquate et un humour qui, non content de rarement faire rire, est souvent de mauvais goût puisqu’il nous est difficile de croire à la mort tellement elle est rendue bassement comique. Pas la meilleure des transitions entre l’ancienne et la nouvelle série Mad Max.



* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.

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