Cinébdo – 2018, N° 33 (Le Choix des armes, Les Nuits avec mon ennemi, Le Silence, La Stratégie Ender, 2001: L’Odyssée de l’espace, La Petite Sirène, Mad Max 2: Le Défi)


Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.

Sommaire cliquable
Le Choix des armes (Alain Corneau, 1981)
Les Nuits avec mon ennemi (Joseph Ruben, 1991)
Le Silence (Ingmar Bergman, 1963)
La Stratégie Ender (Gavin Hood, 2013)
2001: L’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968)
La Petite Sirène (Ron Clements, John Musker, 1989)
Mad Max 2: Le Défi (George Miller, 1981)


(J’écris par passion de l’écriture et de mes sujets, mais c’est encore mieux d’avoir l’impression de ne pas être seul. Si vous aimez cet article, cliquez sur le bouton « j’aime », laissez un commentaire, voire partagez si vous en avez envie. Sinon, vous pouvez juste lire, c’est bien aussi. Merci beaucoup !)


Image d’en-tête : La Stratégie Ender ; films 195 à 201 de 2018

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Lundi : Le Choix des armes

(Alain Corneau, 1981)

« Thématique : Gérard Depardieu »*

Après sa période tampon entre la révélation et la consécration qui lui aura valu de passer par l’expérimental et le pornographique, Depardieu revient en petit truand dans ce film de 1981 où il assoit sa maîtrise du genre avec un peu plus de maturité… Ou bien cette maturité est-elle celle du film ? Réalisé par un homme né du temps de l’expatriation gabinienne (la Seconde Guerre mondiale pour les non-cinéphiles), Le Choix des armes se situe entre ladite période truande qui a donné ses premiers petits rôles à Gégé, et celle de drames plus « modernes » ; un choix de mot rétrospectif s’il en est, mais cela n’en qualifie pas moins cette œuvre ne se lassant pas de passer instinctivement de chapitre en chapitre : d’abord la sérénité du couple Montand-Deneuve (plus basé sur sa routine et des acquis trop sobrement mis en places que sur des émotions, mais soit), puis la tourmente apportée par la truanderie (l’éternelle).

On aurait pu s’attendre à ce que les deux milieux fusionnent avec force étincelles, mais non ; ils se confondent comme si l’un avait toujours fait partie de l’autre, or c’est le but, comme en témoignent les délicats non-dits. La lisseur du mélange fait le charme du métrage, auquel j’ai toutefois deux reproches à faire : il est long, laissant traîner des plans les uns derrière les autres sans résultat, et il commet l’erreur d’exprimer ce que l’histoire appelle « replonger » : refaire partie du crime. Certes, l’inévitabilité est là qui relativise et me fait dire que le film est mature, et le scénario ne se laisse pas prendre au piège de trop insister sur des facettes attendues du genre (la partie « casse », la partie « police », la partie « poursuite », la partie « regret »), les multipliant et les personnages avec, mais une trop grosse part du travail est mise sur une Deneuve inefficace pour maintenir le lien entre les deux mondes. Il finit par casser.


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Mardi : Les Nuits avec mon ennemi

(Joseph Ruben, 1991)

« Thématique : Julia Roberts »*

Sleeping with the Enemy arbore le même titre qu’une chanson de Supertramp, mais il n’en a absolument pas la teneur dense et imposante. Supposément partie de la vague néo-Hitchcock, le film est plutôt néo-King (l’auteur) sans l’extrême pauvreté de la plupart des adaptations de ce dernier. Homme riche, femme piégée, échappée menant à l’horreur ; le schéma est là. Et dans sa première partie qui s’avérera n’être qu’une introduction, l’œuvre s’avère vaguement ingénieuse mais surtout vague tout court : petite musique, petits décors, petits rebondissements… ça carbure à petit feu.

Ensuite, il y a les canons. Au-delà de ses accès d’intelligence, le scénario se laisse dériver jusqu’aux récifs du tout-fait ; la jeune femme se fait une nouvelle vie, elle se lie d’amitié avec, ô surprise ! son voisin, et puis, ô surprise ! ils tombent amoureux. Le personnage du méchant mari est également taillé avec autant de finesse qu’un menhir obélixien dans le granit du cliché ; on va jusqu’à le faire boire comme un animal pour montrer que, oulalah, il est méchant ; on abuse de contreplongées aussi. Enfin, certaines ficelles sont énormes ; quelle idée de se faire croiser les protagonistes au détour d’une fraction de seconde, autour de portes qui s’ouvrent et se ferment, ou alternativement dans des couloirs ? C’est un procédé théâtral dont on hésite à rire ou à frissonner. En parlant de frisson, sa qualité n’excède pas la marque distributeur (et je ne parle pas de la Century Fox).

[Spoilers] Le film acquiert sa valeur dans sa dernière partie, témoin d’une horreur qui s’aiguise. D’abord, les ruptures de ton et les screamers sont fatigants et beaucoup trop insistants, mais une scène de ce film a atteint la première place de la scène la plus glaçante que j’aie pu voir au cinéma (en un mot : le placard). Alors enfin le film devient une réussite horrifique, ce qui nous gracie d’une fin oiseuse, même si des canons sont encore mis en œuvre pour faire bonne figure : la résurrection inattendue, et le happy end sorti de nulle part. Alors l’impression est bonne, car le divertissement est bon, mais la manière est médiocre.


c6r4*

Mercredi : Le Silence

(Ingmar Bergman, 1963)

« Hors-thématique »*

 

Parfois, l’histoire d’un film est aussi passionnante que celle qu’il détaille. Dans le cas de Le Silence, c’est l’histoire de son visionnage qui est amusante ! Je devais le voir comme faisant partie de la thématique von Sydow puisqu’il était dans sa filmographie Wikipédia. Mais c’était une erreur. Une erreur heureuse toutefois, parce que la langue parlée dans le film, dont je n’ai su déterminer la nature (j’avais fini par opter pour le lituanien…) est une langue inventée par Bergman lui-même ! Une magnifique anecdote qui concilie encore mes passions par des voies détournées.

Pour en venir à mon avis sur le film, Bergman est décidément un bon réalisateur. L’œuvre s’appelle Le Silence, mais jamais les petits mots n’ont-ils encore été aussi bruyants chez lui ; pas besoin pourtant d’être attentif, car le film aura clairement indexé la chose importante dans le cerveau du spectateur. De détail en allusion, une image se dessine, une image alimentée par tout ce qu’on sait sans comprendre – les tanks, la langue, la maladie, certaines relations entre les personnages, la raison même de la présence d’autres… Mais fallait-il pour autant qu’il y en ait tellement, de détails et d’allusions ?

Sacrifiant sa lumière chérie à un huis clos où tout n’est pas toujours très clair, Bergman opte pour un rythme lent dont le remplissage, s’il est bien là, manque de densité. Il aurait sans doute été bénéfique de laisser plus de place aux acteurs, car Ingrid Thulin est – comme toujours ? – au sommet de ses capacités dans un rôle maladif, et Jörgen Lindström lui donne une digne réplique de douze ans d’âge.

Le film se passe dans un hôtel avec un couple, un enfant, et une exploration psychologique et évolutive de ses protagonistes. The Shining ? Si on veut… mais sans brillance.


c7r9*

Jeudi : La Stratégie Ender

(Gavin Hood, 2013)

« Hors-thématique »*

Un film de SF moderne qui ne lésine pas sur les moyens, qui est plaisant et qui ne tombe dans presque aucun panneau ? Ça existe, c’est La Stratégie Ender et c’est une perle – ou presque.

Un groupe de jeunes recrues est promis à un avenir pas si lointain où ils auront pour tâche de dézinguer de l’alien, quand ils reviendront sur Terre. Rien d’original jusque là, vu qu’on est sur un croisement d’Independence Day dans l’idée (et même dans la victoire initiale) et de Starship Troopers dans la démesure. On entre dans un univers où la modernité est superbement intégrée (un joli 9/10 sur l’échelle de J.J. Abrams) et où la figure paternelle de Harrison Ford nous rafraîchit de ses fanfaronnades Star Warsesques. Et puis Asa Butterfield, déjà devenu une personne nouvelle depuis Hugo Cabret deux ans auparavant, en impose méchamment. Question casting, on n’aura pas à se plaindre de manière globale, même si certains acteurs – et par là, j’entends « tous », sauf les stars – sont choisis pour leur physique.

Les petites lignes du script, qui guident l’histoire, sont parfois un peu faibles. Et puis le « génie » des protagonistes est quelque chose qu’il nous semble possible d’égaler ; autant de détails qui restent abstraits, mais tandis que l’histoire fonce vers son vif du sujet, un équilibre simple et sans prises de risques se met en place. Ce qu’on va surtout apprécier dans La Stratégie Ender, c’est d’être débarrassé de l’archétype de l’impétrant timide qui va combler ses failles pour vraiment devenir lui-même ; le personnage de Butterfield est complet depuis le début, et son évolution suivra un chemin lisse et agréable. Quel meilleur moyen d’ouvrir des possibilités que de fermer les impossibilités ?

Les rapports de force qui s’établissent sont jubilatoires, les combats aussi – mais un peu moins. Ouvert d’esprit, et ayant posé les bases avec Ford et Butterfield, l’œuvre se permet une magnifique catharsis bien avant la fin, et sans nous laisser sur la nôtre. Les décors, l’immersion spatiale, la musique décente, tout nous donne envie que tout continue : l’entraînement, la guerre, les jeux – oui, car bien avant Ready Player OneLa Stratégie Ender jouait la carte risquée de l’intégration des jeux vidéos dans le septième art, et c’est juste parfait ; on a l’impression d’être à la fois dans le jeu et le film. Il évite même le piège du combat final d’une façon élégante que je ne spoilerai pas.

Il est vraiment dommage que certains paradigmes soient tout de même présents : les aliens et leur esprit de ruche, c’est bof. Et puis les personnages nous manquent, parfois ; la major/psychologue très attachante, collègue de Ford, disparaît au bout d’un moment, sans un au revoir et sans nous donner la satisfaction hiérarchique d’un Star Trek. Et il en va de même pour la fin, en fait ; elle arrive, passe, et nous laisse un peu de marbre – tout du moins au regard du reste de l’œuvre, qui reste très bonne à mon avis.

La Stratégie Ender est donc à la hauteur de sa prétention, même s’il aurait nécessité un peu plus d’insistance sur des aspects pas très compliqués à gérer. Mais sa force est multisource ; casting, originalité, gros moyens ; on y trouve son compte. Par contre, une question : pourquoi fallait-il absolument que les protagonistes aient treize ans ?


c8r4*

Vendredi : 2001: L’Odyssée de l’espace

(Stanley Kubrick, 1968)

« Hors-thématique »*

Voyez la critique détaillée ici.


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Samedi : La Petite Sirène 

(Ron Clements, John Musker, 1989)

« Thématique : film musical »*

À la flotte l’univers Disney ! Ce n’est pas un changement de décor si radical qui fera changer les studios de méthode ; un manichéisme bien pur, des personnages secondaires trop mignons, un scénario dont on peut prédire les rebondissements à la seconde près. Cliché, méga-mièvre, La Petite Sirène suspend un peu de poussière de rêve en eau trouble parce que l’océan ouvre tellement de portes à l’imagination que les dessinateurs n’ont pas pu passer à côté de ses opportunités.

Un bon point pour la créativité, aussitôt perdu pour un scénario qui fait plutôt pire que la moyenne tant les revirements de situation sont brutaux. C’est un film presque divertissant, mais dont le dessin dépeint à grand peine les merveilles du vrai monde marin ; un film dont on peut s’attendrir pendant quelques instants avant d’être réveillé par la naïve crudité de la méchanceté ou par la fin qui arrive vite. Le souvenir de l’avoir vu a débarrassé le plancher océanique de ma mémoire le lendemain même.


 

c4r6*

Dimanche : Mad Max 2: Le Défi

(George Miller, 1981)

« Hors-thématique »*

Après le très humble premier Mad Max fait avec deux bouts de ficelle, Miller a pu décupler don budget jusqu’à faire du Roadwarrior le film australien le plus cher à son époque. Grâce à ce coup de pouce du succès, le réalisateur a pu faire de ce deuxième opus sa vraie entrée dans son cher univers post-apocalyptique. Il y dépeint la décadence de manière plus précise, au point qu’il en a abandonné le mystère entourant la dévastation du monde. Un peu de clarté ne fait pas de mal.

Il y a malheureusement des choses que l’argent n’arrange pas ; la transparence de Gibson, par exemple. Mais on la peut mettre sur le compte de ses seize lignes de dialogue et de son rôle volontairement mutique. Mais il y a aussi le montage, qui est le procédé principal de prestidigitation du film ; c’est une erreur, à mon sens, car certains plans sont moches, des raccords sont horribles, et la façon dont les scènes sont accélérées a tout à envier à Fury Road, qui fait usage desdites avec beauté. Miller hérite bien là de son habitude à bricoler ses scènes avec pas grand chose, mais le résultat n’est pas présent.

Ce n’est pas non plus le scénario qui transportera l’appréciateur ; l’œuvre s’est délivrée du monde en s’isolant dans l’Australie profonde, mais elle s’enferme tout de même autour des moyens qui ont été mis en place pour elle. Les gentils, les méchants, le QG, les combats ; voilà tout le petit monde de Mad Max 2. Il essaye d’émanciper son personnage de son passé (et il faut admettre que Max est cohérent, qu’il n’y a pas de contraste avec son histoire dans le premier film), mais lui fait commettre une erreur grossière et le fait survivre à deux accidents monumentaux sans admettre un seul instant que c’est tiré par les cheveux.

Le film tire sa valeur du filon qu’il entretient avec dignité et audace. On y trouve déjà les éléments qui feront de Fury Road un bon film, et il ne se lasse pas de ses scènes impressionnantes et techniques. C’est tout un délire de cascadeurs, où parfois même les acteurs donnent du leur pour créer la symbiose entre l’Homme et la machine si caractéristique de la franchise. Et en parlant de cascadeurs, ce qu’on voit à l’écran est loin de s’être fait au prix de quelques bleus. En fait, on voit un homme voler littéralement, et la petite histoire nous apprend que son décollage est le fruit d’un accident qui lui a cassé la jambe. Et c’est la scène qu’on voit dans le film final, sans qu’on puisse s’en douter bien sûr.

On dépasse ici le cadre du « dur labeur » ; ce genre d’entreprise, quand elle est cohérente et axée autour d’une histoire sympathique et exploitant presque tous les moyens à sa disposition, accède forcément à un certain respect tacite, même si ça n’en excuse pas toutes les faiblesses.



* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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