Poème (18-18) : Ír iouvas nout [poème en conlang + analyse]


Aujourd’hui, un poème qui sort un peu de l’ordinaire puisque je l’ai rédigé dans ma langue construite. Aussi ne rime-t-il et n’est-il vraiment poétique qu’en version originale.

J’espère que vous ne m’en voudrez pas de ne l’avoir traduit qu’en anglais ; j’ai trouvé qu’une traduction en français l’aurait abîmé. De plus, le texte est assez figuratif, et je l’ai écrit pour donner l’impression d’être ancien dans le cadre de l’histoire de la langue.

ÍR IOUVAS NOUT

(The future be mighty)

(Que le futur soit puissant)


L’original

Kuharts ea ś, nuneker ccëszëł iouvas
Płovats longnav, łonerer pläkvuiër logras
Äbär ar im värär araë¹, urmongor kołarak nar²
U ëntahn öys dahtszal dohnanar koptoë pranínik
Uinpahn í ví, manleiëlyr vohnaraír moi kaciv ík
Vënkírik mantdíot tahnik³, vënkovnäräk kgi
Feícein śaiësziuvuc swanszaiëś⁴, łënkovnäräk
Aeaf turuk sök í ór um ëngaszts⁵ ea nynäk
Ilmenau, iövohr im⁵ unkslehn em ahszts⁵, món łetski.

Aivahszak aiva kyhlkyn yhlyr
Ór zyenek rehkstorsaiën raivaz läszafiouc
Engnehr pehr mariow c
Im um lógd gon łou dalyr.


La phonétique

[ˈku:.ɑr.t͡ɕ‿ɤ‿s nuˈ.ne̞.ke̞ɾ̝ ˈθɪ.sɪx ˈjo̞w.vɑɕ
ˈpço̞.vɑt͡ɕ ˈlo̞.ŋ͡nɑv | xo̞.ˈne̞.ɾ̝e̞ɾ̝ ˈɫæk.vuɪ̯ɾ̝ ˈlo̞.grɑɕ
ˈæ.bæɾ̝ ɑɾ̝ ɪm ˈvæ.ɾ̝æɾ̝ ˈɑ.ɾ̝ɑɪ̯ | ur.ˈmo̞.ŋo̞ɾ̝ ˈko̞.xɑ.ɾ̝ɑk ˈnɑ.ɾ̝ɑs
u ˈɪn.tɑ:n y:ɕ ˈdɑ:.t͡sɑl ˈdo̞:.nɑ.nɑɾ̝ ˈko̞p.to̞ɪ̯ prɑ.ˈni:.nɪk
uɪ̯m.ˈpɑ:n i: vi: | mɑn.ˈle̞ɪ̯.lʏɾ̝ ˈvo̞:.nɑ.ɾ̝ɑ.ˌi:ɾ̝ mo̞ɪ̯ ˈkɑ.θɪv i:k
vɪŋ.ˈki:.ɾ̝ɪk mɑn.ˈti:.o̞t ˈtɑ:.nɪk | vɪŋ.ˈko̞w.nɾ̝æk kɪ
fe̞.ˈi:.θe̞ɪ̯n sɑɪ̯.ˈɕu.vuθ ˈɕvɑn.sɑɪ̯s | çɪŋ.ˈko̞w.næ.ɾ̝æk
ɑɤ̯f ˈtu.ɾ̝uk ɕʏk i: o̞:ɾ̝ um ɪ.ˈŋɑst͡ɕ‿ɤ ˈnʏ.næk
ɪl.ˈme̞.nɑw jʏ.ˈvo̞:ɾ̝ ɪm uŋ.ˈkɕle̞:n e̞m ɑ:st͡ɕ | mo̞:ɲ‿ˈçe̞.t͡ɕkɪ

ɑɪ̯.ˈvɑ:.sɑk ˈɑɪ̯.vɑ ˈky:l.kʏn ˈy:.lʏɾ̝
o̞:ɾ̝ ˈʑʏ̯e̞.ne̞k ˈɾ̝e̞:k.ɕto̞r.ɕɑɪ̯n ˈrɑɪ̯.vɑʑ ˈlæs.fjo̞wθ
e̞.ˈŋ͡ne̞:ɾ̝ pe̞:ɾ̝ ˈmɑr.jo̞w‿θ
ɪm um lo̞:gd jo̞ŋ‿xo̞w ˈdɑ.lʏɾ̝]


La traduction

For a heart thrown down, to a mighty void,
Dirty sadly, famous doomed spark
Comes life and threatens life, to revive the deadly corpses
Blacker the white than molten spouts of gods to fall
To betray him, be kept safe the meaning of lust
Mayn’t the maidens be adrift, mayn’t they be threatened
For their pearl is most precious, mayn’t they be lost
O may come the four goods of this absent interaction
Humility, conscience and naiveness and distance, former friend

May please the future the tails to come
Of wild comets to tear our skies, to tear
The best really in our existence
And that even in a million years.


L’analyse

Dans le texte original, j’ai marqué les rimes en couleurs ; dans la transcription phonétique, la couleur rouge marque les syncopes (suppressions de syllabes). La langue dans laquelle j’ai écrit ce poème est l’ov, et l’ov est propice aux allitérations et aux assonances. On remarque des assonances aux notes 1,2 et 6, et des allitérations aux notes 3 (occlusive) et 4 (fricative).

Maintenant, à propos de la poésie grammaticale…

Le vers trois se traduirait en français à peu près comme ceci : « vient la vie et menace la vie, de resssuciter les cadavres mortels ».

L’ov est une langue ergative, ce qui signifie ici que le sujet d’un verbe transitif est marqué comme tel. Ainsi l’ergatif éclaire-t-il l’ambiguïté de la clause « vient la vie et menace la vie » ; c’est bien la vie qui menace et non la vie qui est menacée. Mais si « menacer » est transitif, où est le complément ? La réponse : en ov, la transitivité s’applique au-delà des auxiliaires et n’importe quel verbe peut être auxiliaire d’un autre. Ainsi, dans « menace la vie de ressusciter les cadavres mortels », « menacer » est l’auxiliaire du verbe « ressusciter », « la vie » est le sujet et « cadavres mortels » est l’objet.

Trop compliqué ? On n’en a pourtant pas fini avec le vers 3. En ov, le complément n’est marqué à l’absolutif (équivalent de l’accusatif dans un alignement ergatif) que s’il est animé (forme de vie). Un « cadavre » n’est pas vivant… ils sont pourtant marqués à l’absolutif dans ce vers, ce qui implique que les « cadavres mortels » sont bien vivants. Le poème parle ni plus ni moins de zombies, et ce seulement grâce à sa grammaire.

On trouve un dernier élément de poésie grammaticale au vers 11 (l’antépénultième). On peut traduire les vers 10, 11 et 12 ainsi : « que plaisent au futur les queues à venir / de comètes démentes déchirant nos ciels déchirant / le vrai meilleur de notre existence ».

Le marquage des verbes à la troisième personne est facultatif ; le verbe « déchirer » (« raz »), ici sous sa forme au subjonctif non-présent « raivaz », n’est pas marqué de cette façon (auquel cas ce serait « raivazar »), ce qui autorise « nos ciels » (ici marqué à l’ergatif : « läszafiouc ») à être à la fois son sujet et son objet, et c’est pour cela que le verbe « déchirer », doublé dans la traduction anglaise et française, n’apparaît qu’une seule fois en ov.

 

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