[Cinémavis #28] La saga Harry Potter


La saga Harry Potter, c’est peut-être la deuxième série de films la plus connue après Star Wars. En fait, ça n’a pas beaucoup d’importance tant les deux univers font partie de la culture cinématographique occidentale. Mais je ne suis pas là pour faire des parallèles ; Harry Potter, on peut en dire que j’ai grandi avec. Et partant, je l’ai vu en tant qu’enfant. Vu à la télé, puis en DVD, je n’ai jamais vu les opus proprement, à savoir dans l’ordre, à la suite et en VO. Jusqu’à hier.

Il ne s’agit pas vraiment là d’une critique, car j’aurais été bien incapable de regarder cette série avec un esprit totalement objectif. Disons plutôt qu’il s’agit d’un retour émotionnel teinté d’objectivité.

La saga de films Harry Potter, c’est sept films – huit si on compte les deux parties des Reliques de la Mort – sortis entre 2001 et 2011 et partagés entre quatre réalisateurs : Chris Columbus pour les deux premiers, un d’Alfonso Cuarón, un de Mike Newell, et quatre de David Yates qui a pris la main sur la série des Animaux fantastiques sur le même univers.

L’avis

Les deux films de Chris Columbus

La série commence sur deux créations de Chris Columbus, et le bougre a géré. Elle ne serait peut-être pas ce qu’elle est aujourd’hui si elle n’avait pas été introduite par la réalisation magnifique de cet homme ayant posé des bases énormes pour ses successeurs.

Harry Potter a l’avantage d’être une série gigantesque (elle dure presque 20 heures) et fermée ; on ne peut plus toucher à son monde sans donner dans le spin-off, ce que l’esprit mercantile ne s’est d’ailleurs pas empêché de faire. C’est un avantage dans le sens où la longueur et le nombre des films donne une grande place à la création de l’ambiance. Toutefois la grandeur des deux premiers films tient surtout dans le fait qu’ils détiennent les Choses de Columbus : des évènements, des personnages et des objets. Il a réussi à faire tenir la réussite de ses œuvres sur ces Choses contenant classe et signifiance. Les évènements, bien sûr, font le rythme ; les personnages font l’attachement, et les objets font l’ambiance. Les objets, j’y reviens encore, car le pont est incroyable qu’ils forment entre l’atmosphère éminemment britannique de Harry et la conception un peu plus USAnne des films.

Ce forçage dans les Choses passe bien, mais pas sans sa petite conséquence négative. La musique est trop présente notamment, ce qui contraste avec les films suivants où elle se dissipe voire disparaît totalement (et je parle de la musique d’ambiance, pas de rock ou d’autres genres d’époque qui semblent avoir été ignorés pour plonger le spectateur dans une sorte de confusion quant à la situation temporelle de l’histoire). Et puis on a beau ne pas accrocher à son jeu plus tardif, Radcliffe surjouait déjà à l’époque ! L’ordre de compétence des acteurs reste constant : Emma Watson > Rupert Grint > Daniel Radcliffe.

Un dernier constat intéressant sur les films de Columbus, c’est qu’ils gagnent à être un peu vieux. Ils sont sortis en 2001 et 2002, et paradoxalement, ils ont bien mieux vieilli que les derniers films ! L’air qui se dégage de ces premières années du nouveau millénaire est parfaitement compatible avec le mélange du monde des sorciers à celui des années 1990 dépeint par le film, comme si les mixtures se répondaient pour faire une potion parfaite. Il serait amusant de voir ce qu’aurait été la série si on la décalait de dix ans en arrière ; peut-être aurait-elle été constante elle aussi…

Le film d’Alfonso Cuarón

Cuarón a pris la série en main avec la sortie en 2004 du Prisonnier d’Azkaban. Il a dû composer avec les fondements inamovibles posés par son prédécesseur et des acteurs devenus ados. Un véritable challenge car la série était déjà célèbre.

Dans ce troisième opus, on sent la patte un peu plus technique du réalisateur, qui parvient à donner une ambiance toujours digne de la meilleure saga fantasy de l’histoire par une maîtrise de la cinématographie plutôt que de l’ambiance. C’est aussi à lui qu’on doit des fils rouges si grands qu’on ne les remarque plus au regard de la série complète : les fêtes magnificentes qui viennent émailler l’histoire, ainsi que les cours dont les professeurs vont et viennent aussi bien pour des questions de casting que de renouvellement, sont un des points forts qui font tenir Harry Potter en funambule pendant si longtemps sur le dangereux filin de la qualité. Un procédé qu’il transmet à ses successeurs pour notre plus grand plaisir.

Dans le fond, l’opus de Cuarón est un peu en retrait par rapport aux deux premiers films, mais pour le souci de cohérence énorme du réalisateur et la transition de qualité qu’il nous offre, on peut lui donner un point supplémentaire pour le mettre au même niveau ; ce n’est que justice.

Le film de Mike Newell

Le film de Mike Newell est une sorte de transition malheureuse entre le génie de Columbus et Cuarón et le monopole de David Yates. Le maillon faible qui dénonce un vieillissement qui s’annonce mal. On a du mal à retrouver la personnalité des acteurs, et la technique du réalisateur pour maintenir l’ambiance ne tient plus dans le détail ni dans la technique mais dans le genre ; La Coupe de Feu, c’est une compétition et c’est mis en scène comme dans les films qui s’en revendiquent : avec indifférence, cruauté presque, pour la notion de « personnage ». C’est un film d’action. Il y a un labyrinthe et ça tombe bien car c’est présenté avec la même faiblesse adolescentine que Le Labyrinthe*.

* Je prends des risques en parlant de ce film car je ne l’ai pas vu. Mais j’assume, pour la beauté de la comparaison.

Les quatre films de David Yates

David Yates est sorti du monde de la télévision avec Harry Potter, mais on ne sait toujours pas ce qui l’en sortira puisqu’il est désormais aux prises avec Les Animaux fantastiques. David Yates, c’est à la fois le gars qu’on peut remercier pour avoir fait l’effort de ne pas précipiter la saga dans sa perte, et qu’on peut blâmer quand même pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment.

Tout commence avec L’Ordre du Phénix, qui frappe par sa fadeur initiale, comme si le directeur avait pris la relève avec réticence. Mais le film rebondit (et Le Prince de Sang-mêlé en héritera l’avantage) grâce à la qualité intrinsèque de l’homme : son culte de l’acteur. Il parvient on ne sait trop comment à raviver quelque flamme dans les interprètes principaux, et nous présente la géniale Imelda Staunton dans la peau de Dolores Ombrage, sur qui repose une bonne part du succès de L’Ordre du Phénix. De quoi se faire respecter et lui éviter de se faire taper dessus pour les suites.

L’Ordre du Phénix et Le Prince de Sang-mêlé sont un duo transitionnel intéressant, et à bien des titres le cœur de la série. Soutenus par le retour d’éléments clés des premiers films qui permet au trio d’acteurs principaux de grandir en toute impunité artistique, ils se distinguent pourtant dans leurs qualités ; on l’a dit, la direction d’acteurs joue bien son rôle dans le premier, et le second fonctionne grâce aux nombreux dénouements qu’il met en scène avec efficacité et délicatesse. Mais on ne peut s’empêcher de se dire que quelque chose a cassé depuis les temps jadis. Et on va se le voir confirmer par les deux derniers films, les deux parties des Reliques de la Mort.

Les Reliques de la Mort, ce sont celles de l’enfance de Potter. Et le spectateur est placé devant un dilemme : est-ce une preuve de l’échec de Yates, ou bien est-ce une manière moins pire de mettre les personnages devant leurs défis adultes, une gestion millimétrée de leurs interprètes devenus grands ? On me dit que je ne dois pas être trop sévère avec ce film, alors je vais concentrer mon fiel sur la première partie.

La première partie des Reliques de la Mort, c’est l’irrespect total du fan. Adieu Poudlard. Vous vous rappelez des Choses de Columbus ? Y’a plus. Adieu les acteurs, adieu les objets, adieu les évènements. En fait, il ne se passe quasiment rien pendant deux heures, et l’on peut tout juste se raccrocher aux paysages. Pour le reste, on se demande presque où est la magie, à part des enchantements récurrents et l’emphase mise sur la direction de Poudlard par le professeur Rogue. Tout ça pour faire tenir en longueur une ambiance de déchirement et d’injustice… Ça fonctionne, mais cela en valait-il vraiment la peine ?

Heureusement, la deuxième partie se rattrape quelque peu. On est en plein cliché, avec le combat final qu’on sent monter, et l’ambiance est toujours déplaisante parce qu’elle fait pas mal de casse dans nos souvenirs des films initiaux, mais c’est acceptable. Au bout de vingt heures, on était en droit d’attendre un dénouement cathartique puissant, et il nous est donné par un retour de la fibre littéraire en matière de révélations. Et puis on ne peut pas dire de la fin qu’elle reste engluée dans le stéréotype.

  1. Harry Potter et l’Ordre du phénix (2007) : 7/10
  2. Harry Potter et le Prince de sang-mêlé (2009) : 7/10
  3. Harry Potter et les Reliques de la Mort, première partie (2010) : 4/10
  4. Harry Potter et les Reliques de la Mort, seconde partie (2011) : 6/10

Conclusion

Comme toute création de grande envergure, la série de films Harry Potter a ses hauts et ses bas. Au global, elle régresse en qualité au fur et à mesure de son avancée. Mais il ne faut pas perdre de vue que les vingt heures de visionnage qu’on a sous les yeux se reflètent dans mille fois plus de temps derrière la caméra, à devoir gérer des problèmes rares occasionnés par tout le temps passé. Il fallait notamment gérer les acteurs qui grandissaient, et dont les évolutions physiques et caractérielles ne pouvaient pas être sans conséquences sur les protagonistes. La Hermione du premier film, arrogante mais mignonne quand même, a rapidement été portée disparue par la belle et brillante jeune fille qui l’a remplacée ; oui, Hermione Granger a été enlevée par Emma Watson – la seule du trio à donner l’impression d’être passée avec succès du statut d’enfant acteur à celui d’acteur adulte –, mais ça fait partie de la vie d’une telle série, et c’est au spectateur de voir qu’elle en tire aussi ses forces.

Et puis la critique d’une telle saga, quand son histoire a des racines qu’on ne peut dissocier ni des premiers ni des derniers films, doit se faire sur une plus grande échelle. Cela nous permet le grief général selon lequel tout paraît prêt à l’emploi dans le scénario des films (conséquence de la compression des détails des romans), mais le rythme donné par les fêtes, les cours, les professeurs qui vont et viennent, bref, la vie de l’école dont on ne peut jamais apprécier les limites topographiques, et ces évènements qui vont au-delà d’un seul opus pour donner le ton d’une histoire si grande qu’elle prend dix ans de la vie de ses personnages comme de ses interprètes, tout ça… C’est fantastique. Et en ça, elle mérite bien sa place de meilleure série fantasy de tous les temps.

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