[Cinémavis #27] Mad Max: Fury Road (George Miller, 2015)


Drôle d’expérience que de regarder les deux Mad Max de Miller en séquence. Avec celui-ci, il semble avoir voulu prendre le plus grand contrepied possible de son ancienne création, 36 ans et quelques millions de dollars plus tard.

On parle donc ici d’un film australo-américain de George Miller sorti en 2015.


On entame l’histoire sur une continuation de notre époque pétrophile et addict à la consommation, mais Miller nous met devant un curieux constat : le carburant, s’il est toujours aussi précieux, est concurrencé par l’eau, car le monde de Fury Road, contrairement à celui de son prédécesseur, se situe dans un monde post-apocalyptique où la survie est la priorité de tout un chacun. Alors lequel des deux liquides est-il le plus précieux ? Cela dépend des classes, et il y en a deux, sur le modèle basique de la dictature : les gouverneurs et les gouvernés. Le carburant est la ressource précieuse des premiers et l’eau est la ressource précieuse des seconds. Seul le gaspillage de l’eau est déchirant, parce qu’il n’y a qu’elle qui soit vital. Une relativisation issue des limbes d’une écriture réfléchie, qui met en abyme le scénario et bouche bien les préjugés sur les films d’action et de combat ; ne savent-ils vraiment pas nous faire réfléchir ?

Le monde continue de se développer pour le plaisir du spectateur X qui a laissé son cerveau allumé comme pour le spectateur Y qui préfère le mettre en pause. Le processus tourne autour d’un méchant politique très convenu (à savoir quelqu’un de monstrueux sauf qu’il fait ça par instinct de survie, ou par idéologie… bref, il a une excuse) mais c’est un axe autour duquel se développent la morbidité de ces corps mis à rude épreuve par l’apocalypse récente (le spectateur X peut méditer sur le genre d’apocalypse dont il s’agissait, et le spectateur Y peut admirer les tumeurs de formats variés mise en chair par les très bons maquillages) et la primativisation que cause le retour aux sources (pareillement, le spectateur X appréciera la métaphore d’un monde mourant à petit feu tandis que le spectateur Y s’amusera des insectes dégustés crus).

Le scénario ne décélèrera pas, mais l’ambiance continuera de se construire. Vous voyez venir la métaphore ? Dans le monde ravagé du film, on ne considère plus les véhicules comme aujourd’hui… et il fallait le faire, car il n’y a rien de plus coriace qu’une conception culturelle ancrée dans les mœurs. Dans ce monde, donc, les véhicules ont beau rouler sur terre, on s’y comporte plutôt comme sur des bateaux… et ça tombe bien puisqu’il n’y en a plus aucun. Pendant qu’il roule, on s’y meut, on le réalimente et on le répare. Tout le monde est pilote né ou mort-né.

Miller se fera de nombreux clins d’œils avec cet auto-remake. Mais le parallèle le plus intéressant est la folie des grandeurs qui nous fait oublier la sobriété désargentée de la version de 1979. Le traitement des couleurs rappellera celui de Pitch Black (David Twohy, 2000) qui comptait au casting un certain Vin… Diesel. Et c’est follement beau. On regarderait le film entier sans le son, rien que pour la magnificence colorée des paysages.

Outre ce détail graphique (qui constitue à lui seul une bonne part de l’ambiance quand même), le film donne tout son sens à l’expression « hurlements de moteur »… car les moteurs hurlent littéralement. La conception délirante et géniale des véhicules n’est qu’un outil pour une folie humaine qui s’embrase dans un amour sauvage de la mort… D’ailleurs le méchant muselle ses sbires avec le concept du Walhalla. L’ambiance et la sauvagerie finissent par se mêler dans le personnage du musicien qui balance du hard rock aux soldats grâce à sa guitare-lance-flammes. Oui, tout cela joue un peu avec le feu mais c’est si bien fait qu’on l’excuse, et c’est suffisamment poussé pour nouer ensemble tous les bons filins en une corde solide de divertissement qualitatif.

Au-delà de l’ambiance, le scénario a la vie dure. D’ailleurs il n’y en a quasiment pas eu. Tout a été filmé en séquence et les dialogues sont rares. Et boum, un nouvel élément germe : les alliances, qui se forment à la dure (et qui, au passage, sont métaphorisées par l’arbre – la vie – qui cède pour permettre au camion de se dégager de l’embourbement), se consolident quand les personnages retrouvent les vertus du dialogue. La discussion prend alors la place d’un procédé original choisi par Miller pour les scènes pleines de tension : il les a passées en accéléré, tout simplement.

Plus un film est bon, plus c’est difficile pour lui de franchir les dernières marches qui l’amènent à l’illusoire perfection. Et il y en a deux sur lesquelles Fury Road se casse la figure ; autant de points retirés à la note. D’abord, il ne parvient pas à raffiner le sens du sacrifice au même titre que le reste de son scénario, et la chose donne l’impression d’un moyen pas cher de faire trembler le spectateur, ce qui n’était absolument pas nécessaire puisqu’il a déjà de multiples raisons de trembler. Ensuite, il emploie le cliché gigantesque d’un combat final assez déplaisant qui gâche beaucoup la fin. Et puis l’arrière-goût qui reste la quête poursuivie par les héros n’est pas très puissant. On va mettre ça sur le compte d’ornières sur la belle route tracée par cet excellent film.

 

If you can’t fix what’s broken, you’ll go insane.

Si tu ne peux pas réparer ce qui est cassé, tu deviendras fou.

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