Cinébdo – 2018, N°9 (René la Canne, The Revenant, Skyfall, Le Garçon invisible, Dirty Dancing, Pulp Fiction)


Dans l’hebdo de cette semaine : René la Canne (Francis Girod, 1977), The Revenant (Alejandro G. Iñárritu, 2015), Skyfall (Sam Mendes, 2012), Le Garçon invisible (Gabriele Salvatores, 2015), Dirty Dancing (Emile Ardolino, 1987), Pulp Fiction (Quentin Tarantino, 1994).

De grands classiques dans cet hebdo, même si certains m’ont déçu. C’est compensé par la qualité incroyable de The Revenant.

(J’écris par passion de l’écriture et de mes sujets, mais c’est encore mieux d’avoir l’impression d’être utile. Si vous aimez cet article, cliquez sur le bouton « j’aime », voire partagez si vous en avez envie. Sinon, vous pouvez juste lire, c’est bien aussi. Merci beaucoup !)


Image d’en-tête : The Revenant ;  films 42 à 47 de 2018

c2r2*

Lundi : René la Canne

(Francis Girod, 1977)

« Thématique : Gérard Depardieu »*

René la Canne débute comme une comédie qui se prend à la légère sur un sujet grave, la guerre, laquelle a fini vingt-deux ans avant le tournage. Qui dit rire et mort ensemble, dit humour noir en théorie… mais ici, trou noir en pratique : une succession d’évènements décousus et impossibles à remettre dans leur époque qui va avaler jusqu’à la moindre once d’intérêt qu’on puisse porter à l’œuvre. L’humour est frais, avec le mérite de secouer un peu les mœurs et d’éveiller chez les acteurs des valeurs rocambolesques rarement employées, mais leur performance se cantonne à vouloir copier les uns sur les autres des gesticulations ennuyeuses et vides de sens. Tout ça sur un fond sensible qui, avec la garantie de froisser certains esprits, n’apportera rien à ceux que cela ne choque pas. C’est un film historique raté, une comédie ratée, une parodie ratée, la musique est ratée, l’idée aussi. Éviter.


c9r7*

Mardi : The Revenant

(Alejandro G. Iñárritu, 2015)

« Hors-thématique »*

Cinéphiles, si vous êtes à la recherche d’un grand spectacle qui soit réalisé avec artisterie et avec toute la beauté d’un cinéma qui parle avec savoir-faire et technique, c’est The Revenant que vous cherchez.

DiCaprio y joue ce qu’il qualifie lui-même de son rôle le plus dur, et il n’y aucune raison de ne pas l’en croire ; sa performance est tout simplement époustouflante. Pendant qu’Iñárritu crée des plans très longs dans lesquels la caméra est continuellement en mouvement grâce à quelque miracle de machinerie, lui s’occupe de faire des miracles d’acting, acteur parmi les acteurs, donnant de sa personne en toute situation pour des résultats qui vont de la prouesse sportive à l’abnégation en passant par la pratique de langues locales (qu’il prononce parfaitement) ou les combats dont on ne peut imaginer que le réglage n’a pas pris un temps et un nombre de prises considérables, à plus forte raison avec un réalisateur aussi pointilleux que celui-ci.

Le film était loin d’être terminé quand j’ai cessé d’essayer de comprendre les secrets de tournage derrière des séquences plus impressionnantes les unes que les autres. Mais ces prouesses à travers lesquelles aucun critique ne peut passer sèment aussi une sorte de désillusion, car elle masque l’uniformité du sujet, l’absence d’exploration du caractère des personnages à part deux ou trois, dont un (DiCaprio toujours) est de loin favorisé. Et quand arrive la fin, l’inanité de la vie des protagonistes nous frappe, mais pas dans un sens favorable. The Revenant, c’est « tout ça pour ça ? » et le « tout ça » est immense ; plus grand l’exploit, plus difficile est la chute à amortir, et elle ne l’a pas été en ce qui me concerne.

Malgré cette légère impasse, et si vous vous demandez « est-ce que le film est digne de ses trois Oscars ? », la réponse est oui. Il faut être dans une humeur particulière pour apprécier ce film pleinement, mais je pense qu’il restera une référence des performances cinématographiques possibles pendant une bonne décennie.

 


c6r7*

Mercredi : Skyfall

(Sam Mendes, 2012)

« Thématique : autour de James Bond »*

Skyfall confirme l’ouverture d’une brèche originale et nouvelle dans laquelle toute la franchise James Bond s’engouffre à corps perdu. C’est le cas de le dire. Et à foncer de la sorte, le film y gagne, et il y perd aussi. Gros bon point pour l’aspect technique dont le succès commercial garantit l’exploitation à 100% de ce que l’on sait faire. Les cascades, comme d’habitude, sont presque aussi renversantes pour le spectateur que pour les figurants qui les pratiquent. En plus, la série revient d’un montage étouffant, laissant plus la place que le dernier opus à la lisibilité des scènes ; quand on parle d’une qualité pareille, la différence est sensible.

En contrepoint de ces détails forts, on atteint les limites du « reboot » fait avec Casino Royale. L’introduction-générique est un mélange hétérogène de résurrection stupide et de la chanson d’Adele éponyme, augurant un scénario cahoteux qui ne sait pas transmettre de manière satisfaisante l’obsolescence de l’agent Bond ; sans même parler qu’après son « accident », il devrait être mort ou au moins handicapé à vie (suspension de l’incrédulité oblige), il y a une tristesse sans contrepartie derrière son impotence qui gâche un peu le plaisir.

On croirait sentir une humeur planer autour de cet épisode qui lui donne un rythme plus lent et mélancolique que toutes les allusions ne récupèrent pas. Quelles allusions ? « Vous croyiez qu’on allait vous donner un stylo explosif ? On n’en est plus là » ou bien « les vieilles manières sont les meilleures », ou encore le retour peu discret de l’Aston Martin et l’utilisation pleine de sens du thème musical original de Monty Norman… Les clins d’œil, c’est gentil, mais ça marche mieux à petite dose, et surtout pas quand ils sont visibles comme le nez au milieu de la figure. Au moins tout cela met-il beaucoup mieux en valeur les jeux d’acteurs et les relations entre les personnages.


c4r5*

Jeudi : Le Garçon invisible

(Gabriele Salvatores, 2015)

« Thématique : langue italienne »*

Je préviens, ça va spoiler, pour la raison toute simple qu’on ne peut pas savoir à quoi s’attendre avec ce film et que cela joue un rôle prépondérant dans son appréciation.

On entame la chose dans un style dramatico-familial dans la grande tradition franco-italienne de prédilection, où le spectateur est vite mis à ses aises par un éclairage tout à fait correct, avec à peine trop de dérision et une touche appréciable de poésie. Relations, caractères et mise en situation des personnages… Tout est bien qui commence bien. L’acting est bon, et l’on entre en douceur dans un monde tout à fait normal où un garçon devient invisible. Bon, on repassera pour la normalité, mais fort de l’introduction, le film ne souffre pas de cette surprise.

Le motion tracking est propre (même si c’est assez peu respectable d’en avoir fait un mini making off en générique de fin pour ce que cela a d’arrogant et de fâcheux, l’histoire étant par là même démystifiée sans autre forme de procès). Les évènements concordent avec l’humeur globale du film. La fiction – très épaisse en l’occurrence – est diablement bien emboîtée dans un monde réaliste en tous autres points, et voilà qui était difficile à faire.

Les erreurs sont à peu près toutes commises dans le dernier quart du film, une véritable toile d’araignée pour des moucherons appelés clichés qu’attire un puissant projecteur : le film de super-héros et d’action. À partir de là, ce qui se produit est juste bête, et la fiction déborde là où elle ne devrait pas, quand bien même ce faux pas avait été miraculeusement évité jusque là, pour jouer sans décence sur les fondements du bon sens.

Pourtant, ce n’est pas mon préjugé anti-super-héros qui parle ici, parce qu’au moment d’expliquer leurs pouvoirs, je trouvais encore les scénaristes bien inspirés. Mais la conclusion, la toute fin, ne récupère pas les impairs des vingt minutes passées, se révélant être un vulgaire appel à la suite se dénonçant lui-même d’avoir joué la destructrice carte commerciale. Du gâchis.


c5r6*

Vendredi : Dirty Dancing 

(Emile Ardolino, 1987)

« Thématique : film musical »*

Peu de films ont aussi mal vieilli que les comédies musicales américaines des années 1980. Ce n’est pas vieux et pas difficile à remettre en contexte, mais l’alchimie est comme périmée. Que mettre sur le compte de cette déliquescence naturelle, et que blâmer sur la réalisation ? Je suis bien en mal de le dire et c’est pour cela que ma critique est courte. Mais il n’y a pas de satisfaction véritable à voir l’histoire évoluer vers l’inévitable. Le duo d’acteurs principaux est charmant mais pas charmeur, leur idylle plus que floue. Tout sert de décor, tel un fond anachronique pour une musique qui semble en pleine nostalgie des années hippies. À l’image des ères musicales se succédant à l’époque, Dirty Dancing est un feu de broussaille artistique et ce n’est pas très convaincant.


 


c6r7*

Dimanche : Pulp Fiction

(Quentin Tarantino, 1994)

« Hors-thématique »*

Le visionnage d’un film envoie un ressenti sous la forme d’un seul bloc, et c’est par un processus conscient de fragmentation qu’on peut l’expliquer et en tirer une réponse claire à la question « a-t-on aimé ? » Pulp Fiction est peut-être le film qui a le mieux réussi à rendre cette fragmentation accessible au grand public, en tournant autour d’un thème qui lui est cher (les gangsters) traité avec toute l’épaisseur de la captivante culture américaine baignant dans la graisse de ses fast foods et emportée sur ses longues routes poussiéreuses à grande vitesse.

Oui, l’œuvre donne au monde ce qu’il désire, et Tarantino en profite pour y glisser une foule de détails dont la majorité va passer à l’as, mais qu’importe, puisqu’ils suffisent à rendre le film culte. Ça, et le casting peuplé de grands noms ne faisant que passer : une poignée de jours sur le tournage, quelques minutes à l’écran, et ç’ajoute un nom à la brochette : Bruce Willis, Christopher Walken… Une bonne affaire. Peut-être trop bonne, car cela farde les faiblesses : les personnages sont extrêmement approfondis, les dialogues impressionnants de technique et de longueur, et le scénario coule tout seul autour d’une non-linéarité aussi lisse qu’un milkshake à 5$. Toutefois les évènements, et ce malgré la magnifique impression que le ratio temps simulé / temps réel est de 1:1, paraissent surgir de nulle part pour justifier le reste, et rien d’autre.

Il est vrai que je pointe du doigt une ou deux choses en m’excusant de laisser de côté d’autres choses plus nombreuses à mettre au crédit du film, mais il m’est difficile de me sortir de l’idée qu’on a pris la plus grande audience possible pour lui envoyer de la démogagie artistique à la figure. Ce que me semblent confirmer les différents « chapitres », comme s’ils visaient à toucher le plus de gens possible, là encore.



* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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