Hebdo – 2017, N°51 (hebdo de Noël !)


Image d’en-tête : Un Amour à New York

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Lundi : Jack Frost

(Troy Miller, 1998)

« Thématique : Noël ! »*

Jack Frost est très lent à démarrer. Du noëlesque et de la musique (rock), c’est déjà une piste difficile à suivre. Puis vient un drame. Même après ça, il faut du temps au scénario pour se mettre en place.

Toutefois, une fois cette marge inconfortable dépassée, il y a du mieux : certains parallèles s’élaborent, et comme c’est excellemment filmé avec une lisseté sans heurt, on est appâté par la seule réussite technique de la chose ; quand un thème s’ajoute encore (le hockey), on le tolère. Dans ce premier tiers cafouilleux, on appréciera également le dilemme imposé au père de famille, du genre réaliste s’il en est, en tout cas comparé à la plupart des autres films de la catégorie « mauvais père » (dont le parangon est sans doute Menteur Menteur – Tom Shadyac, 1997). La famille ou le succès garanti ? Zut. Une fois mis de côté l’accent bien américain mis sur le foyer (il ne s’agit que de vacances en famille, que diable !), on hésiterait.

Le plus jeune public s’ennuiera avant que ne commence vraiment l’histoire. On en vient à être obligé de spoiler : le propos, c’est que le mauvais père en question meurt soudainement. Un point pour la surprise. Un an plus tard, il va ressusciter sous la forme d’un bonhomme de neige. Et là, il y a beaucoup à dire : un point en moins pour la puérilité, un point en moins aussi pour la conscience : un mort ne doit jamais revenir dans un film qui ne s’appelle pas Ghost (Jerry Zucker, 1990) ! On aurait pu se soulager de l’affront fait à notre âme humaine en se disant que sous la forme du fantasme momentané d’un enfant, l’évènement est une exception qu’on peut accepter à la condition expresse que personne d’autre que des enfants ne soit témoins de ce retour contre-nature d’outre-tombe. Et on semble s’y diriger jusqu’à ce qu’en une dernière minute qui est la négation de tout le génie de Ghost, la mère voie son mari derrière les apparences bibendumoïdes du bonhomme de neige de sa cour. Après une année de deuil, elle revit ainsi un aperçu de son ancien bonheur. Non ! On ressortirait dévasté d’une telle expérience ! Et c’est idiot, comme idée !

La magie de Noël peut faire passer la pilule de l’idiotie, mais cela n’autorise pas à laisser tomber la goutte d’eau qui met le feu aux poudres. Dommage, car il y avait un dernier bon point à mentionner : les dialogues sont certes irréguliers et facilement onomatopéiques, mais le texte du bonhomme de neige est plutôt intelligent : il philosophe longuement sur sa nouvelle condition et l’on se dit : moui, ça colle.


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Mardi : Un Amour à New York

(Peter Chelsom, 2001)

« Thématique : Noël ! »*

Sous les termes « comédie romantique » se cachent des spécimens variés, si bien que l’appellation est devenue plus que bateau : stupide. Mais il est des fois où l’expression convient ; ces fois-là, c’est quand une œuvre nous surprend par le succès qu’elle emporte sur l’esprit critique au niveau de la comédie et de la romance. Serendipity (titre original d’Un Amour à New York) est une de ces occurrences.

Mené d’un côté par John Cusack et de l’autre par « une obscure actrice britannique dont le nom ne vous dira rien » (Kate Beckinsale), selon les mots de la production dans un trailer précoce, le film va se donner un prétexte pour excuser la joliesse facile de son scénario : le destin. De quoi lever les yeux au ciel, vous dites ? Mais cette excuse va être tellement imprégnée dans le personnage de Beckinsale qu’on ne va pas s’étonner d’en voir se propager le culte chez son âme sœur.

Partant de là, ça y est : l’histoire est bien huilée. Le couple réuni ne fonctionne pas vraiment à l’écran, mais ce n’est pas l’objet de l’histoire, qui tourne en fait autour de la quête amoureuse. Les deux acteurs n’ont d’ailleurs tourné que quelques jours ensemble. Et cela n’a pas non plus la forme d’une guimauve interminable, car voilà que frappe le yin de ce yang : la comédie. Le film est authentiquement drôle, parfois pendant plusieurs minutes d’affilée. On rit d’un rire intelligent quoiqu’on frise parfois le Vaudeville, mais ça passe et c’est plaisant.


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Mercredi : Joyeux bordel !

(Josh Gordon, Will Speck, 2016)

« Thématique : Noël ! »*

Le film est fini en dix minutes, parce qu’il nous fait l’insigne plaisir de concire son introduction dans ce laps de temps. Dommage qu’il reste plus d’une heure et demi à supporter, où l’histoire est toute tracée. De palpitant, il n’y a plus que la découverte du chemin suivi jusqu’à la conclusion. C’est un chemin orgiaque et vulgaire.

Pourtant, il y a du bon et du moins bon. Ne nous bernons pas, ce dernier remporte largement sur l’autre. Mais il y a une certaine subtilité dans les dialogues quand ils sont posés, et sans une interruption qui puisse risquer de se vautrer dans une cocasserie ratée à la manière du reste de ses tentatives humoristiques. Ah si, un truc fait rire : deux impressionnantes cascades. Le reste, c’est de la distraction low cost balancée en vrac selon des critères étroits et impudiques.

Quand on veut s’intéresser à l’histoire de fond, dont on se dit qu’elle ne peut pas être pire, c’est pour découvrir un scénario sous-jacent complètement bâclé qui s’est épris de technologie sans qu’on sache trop pourquoi. Les textes sont peuplés de Facebook et d’autres termes de l’Internet sans subtilité aucune, tout ça pour préparer le terrain à une fin mièvre d’ordre technologique également.

Même pas passable pour un film de Noël. Payer pour ne pas le voir, s’il le faut.


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Jeudi : La Course au jouet 2

(Alex Zamm, 2014)

« Thématique : Noël ! »*

Comment, un 2 ? Un reboot, plutôt. Après le premier opus qui castait Schwarzenegger, celui-ci reprend le titre pour assumer de reprendre aussi la même trame. Car oui, l’histoire est la même, modernisée et avec un autre comédien américain emblématique, quoique dans une autre catégorie : Larry the Cable Guy. L’individu en question joue un personnage qui joue un personnage, un peu comme Charlie Chaplin pouvait faire jouer des rôles à Charlot.

Alors oui, le contexte et le nom de scène de cet acteur jouent largement en défaveur du film. Mais une fois qu’il est admis que le titre est un simple avertissement honnête sur la nature de l’œuvre, qui nous est lancé pour nous éviter de crier au plagiat, elle se révèle un bon divertissement, drôle et pas potache.

Ne cherchez pas la grandeur pour autant : les acteurs sont médians, l’atmosphère sans créativité. Mais il n’y a qu’un regret qui soit vraiment résilient à la qualité du « fun » : le duo de Larry et Kennedi Clements (dans le rôle de sa fille) est magique et aurait mérité plus de développement. On sacrifie la candeur de la jeune actrice à ses sourires (son énergie est telle qu’on croit parfois voir les autres acteurs sortir de leur rôle sous le coup de l’étonnement) et à une comédie simpliste qui passe à côté de plein de choses. Pourtant on s’y prend de tendresse.


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Vendredi : Krampus

(Michael Dougherty, 2015)

« Thématique : Noël ! »*

Question : il s’est passé quoi ? Devant Krampus, on s’attend à une comédie familiale un peu niaise, mais suffisamment subtile pour laisser entrevoir une large part de parodie autodérisionnelle. C’est en tout cas de cette manière que ça commence. Et puis ça devient un film d’horreur. La fin n’arrive jamais ou presque : l’intrigue bondit, rebondit, et rebondit… jusqu’à une conclusion quasiment mono-imagée et qui sonne comme si elle avait été décidée sur le vif une fois le reste tourné, le tout dans un esprit dicté par la règle « on ne refait rien de ce qu’on a créé jusque là ». Suppositions sans fondements bien sûr, mais qui marquent indéniablement dans ce sens jusqu’à nous faire nous exclamer : « euh, bon, OK ».

Ajoutez à cela que les accessoires, quoique bien designés, semblent mus par la réincarnation d’Edward Wood lui-même. En tant que spectateur, on n’a aucune idée de ce que le film veut être, et à en croire quelques lignes sur la volonté initiale du réalisateur, il n’a pas été doté de ce qu’on devait ressentir. Les détails précités une fois exclus, Krampus n’est pourtant ni un mauvais film d’horreur, ni une mauvaise comédie, ni un mauvais film de Noël, ni une critique ratée de la folie commerciale des fêtes.

Il fait même de très bons choix dans les personnages, ayant par exemple l’audace d’en placer un germanophone, la grand-mère, qui est certes avant tout un moyen de crédibiliser l’histoire de Krampus, l’anti-Père Noël alémano-autrichien, mais ceci au risque de fatiguer le spectateur lambda à lire les sous-titres même en VO, ou à attendre la traduction de ses propos par un autre personnage. On aimerait juste saisir ce qu’est ce film au juste.


c3r2*

Samedi : The Night before 

(Jonathan Levine, 2015)

« Thématique : Noël ! »*

Encore une fois, la forme est viciée pour refléter le fond et le purger de ses miasmes. Une idée bonne mais qui force le film à être malaisant et très énergique. Vraiment très énergique. Et vraiment très malaisant. Pour donner un ordre d’idée, il s’agit de suivre trois amis de longue date, qui ont tous leur lot de problèmes à régler le temps de l’histoire, tout en renouant avec leur avatar adolescent, ce qui a pour effet de transformer la route depuis chez eux jusqu’à une fête en labyrinthe psychédélique et agité d’évènements aussi fugaces que vivaces.

À traitement confus, propos confus : en gros, c’est un reboot très indirect du drôle de Noël de Scrooge, version technologie moderne et problèmes contemporains. Ponctuellement intéressant, mais trop flou dans ses manières pour être attachant ; de toute façon, tout va trop vite pour qu’on puisse profiter des scènes individuellement. L’amitié est censée y être un thème fort mais on en oublie presque qu’elle est là, quelque part dans le brouhaha général. Au pire, à voir pour ambiancer mais faire autre chose en même temps ; l’œuvre n’incite pas au respect.


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Dimanche : Imitation Game

(Morten Tyldum, 2014)

« Hors-thématique »*

Imitation Game ou la nouvelle génération du documentaire : du vrai cinéma d’art, avec un bon casting, un réalisateur compétent et un scénario entièrement basé sur des faits réels, non romancé et simplement mis au goût du public. On se concentre sur les faits marquants pour captiver, mais jamais au point de se rendre coupable de mensonge par omission. Il faut bien admettre que le résultat est satisfaisant : à la fois l’on cultive et l’on distrait les foules sans sombrer dans la mauvaise qualité qui est trop souvent le moyen d’expression de ce compromis.

Avec tout ça, le film a juste. Et si les films avec une histoire vraie en toile de fond doivent appliquer ce modèle à l’avenir, c’est tant mieux. Par contre, il y a une concession énorme que fait Imitation Game et qui est loin d’être à son avantage : le réalisme est un tableau très bien brossé et de fait agréable, mais absolument pas cathartique. La catharsis, c’est ce moment d’une œuvre qui nous transporte, nous rend heureux ou profondément nostalgique ; dans les biopics, les évènements factuels qui émaillent l’histoire se densifient généralement jusqu’à exploser dans cette « purification des passions » qui rend des films comme Big Eyes si jubilatoires. Ici, il n’y a rien de tout ça. Alors on va se contenter du charisme de Benedict Cumberbatch et du film de guerre original que le tout nous procure, car cela aussi, c’est factuel.



* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.

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