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Hebdo – 2017, N° 43 (L’Espion qui m’aimait, Rent…)

Image d’en-tête : Land of Plenty

c7r6*

Lundi : L’an 01 

(Jacques Doillon, Alain Resnais, Jean Rouch, 1973)

« Gérard Depardieu »*

De la modernité cafouilleuse qui commençait d’émaner des années 1970, est sorti l’An 01. Un titre révolutionnaire pour un thème qui ne l’est pas moins ; d’ailleurs, filmer en noir et blanc ne tenait pas encore de la seule revendication artistique. Et si le fond de l’histoire construit une utopie sur des échafaudages de naïveté, il le cache pas mal avec les réflexions qu’il offre et sa qualité un peu visionnaire. Le scénario ne s’attarde sur aucun de ses détails, ce qui lui évite de tomber dans la faute.

Sur le coup, on peut difficilement ranger les diverses facettes de son ressenti, porté malgré soi par l’immensité d’un casting qui ne se prend même pas au sérieux et où se perdent des stars comme dans une foule. On apprécie aussi de voir la politique abordée sur des aspects aussi banalement concrets, comme si le pays s’était réduit à une surface ridiculement petite pour que sa population devienne une grande famille où chacun aurait son rôle à jouer. Oui, l’utopie, on la vit. Mais il faut faire attention à ne pas décrocher de ce film qu’ils ont “voulu faire ensemble”, et qu’ils ont finalement “fait à beaucoup”, une fois que la fin arrive. Car d’une part elle arrive brutalement, et d’autre part on en ressort avec un sentiment de vacuité vis-à-vis de ce système aberrant qui marche si bien. On a envie de savoir la suite, ce en quoi l’oeuvre a trop bien marché ; car qu’est-ce qui succède à une utopie fonctionnelle si ce n’est un retour au moins partiel à l’ancien système ? Moyennant quoi, qu’est-ce qui justifie d’en faire un film dessus ? C’est du coup une sorte d’îlot extraterrestre sur le flots des fondamentaux, difficile à relier à quoi que ce soit.


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Mardi : Héros malgré lui

(Stephen Frears, 1992)

« Dustin Hoffman »*

 

 

Voyez la critique détaillée ici.


c5r6*

Mercredi : L’Espion qui m’aimait 

(Lewis Gilbert, 1977)

« Autour de James Bond »*

La rupture promise avec l’arrivée de ce film n’est en fait que relative à celui d’avant. Sauf, peut-être, que l’évolution des moyens s’est faite particulièrement sentir après ces trois années d’absence. La médiocrité résiste quant à elle à des niveaux intolérables, comme le tournage sur fonds mouvants particulièrement abominable pour des scènes de ski. En plus de ça, les combats sont mous, les acteurs et les cascadeurs anticipent beaucoup trop leurs mouvements… Bref, un échec technique étrangement compensé par les efforts mis en oeuvre, quoiqu’ils n’aient pas payé. C’est la plus chère production de la franchise, et il en résulte des exploits parfois difficilement explicables ; en 1977, des voitures amphibies ? Des scènes comme celle-ci sont bien sûr truquées (les autos étaient creuses, en l’occurrence) mais l’astuce est plutôt bien cachée.

Sur une note plus personnelle, une lecture idéale de ma critique devrait être agrémentée de la lecture des anecdotes IMDb sur le film, qui sont exceptionnellement enrichissantes.


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Jeudi : Les Vitelloni [Les Inutiles]

(Federico Fellini, 1953)

« Langue italienne »*

Il y a déjà peu à dire d’une oeuvre pour laquelle atteindre la perfection ne semble pas si impossible. Mais quand on apprend que c’est une histoire en grande partie autobiographique de Fellini, on est presque sans voix. D’autre part cela explique le réalisme des reconstitutions sociales et familiales à l’écran, le tout composé avec une telle justesse qu’on ne peut même plus en accorder le mérite à son seul talent. En plus, c’est une oeuvre courageuse, qui ose figurer l’homosexualité – c’est déjà quelque chose – mais en plus comme un élément corrupteur de l’art. Une responsabilité que le réalisateur prévu initialement, Vittorio de Sica, a d’ailleurs refusée. C’est une création qui mériterait plusieurs visionnages. Voilà d’ailleurs un gage de qualité qui témoigne bien fadement de tous les niveaux de lecture et de tout le sens qu’elle renferme : avant d’être néo-réaliste ou surréaliste, le film est avant tout réaliste tout court.


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Vendredi : Land of Plenty [Terre d’abondance]

(Wim Wenders, 2004)

« Wim Wenders »*

[Légers spoilers] En 2003, dans une Amérique où le souvenir des attentats de septembre 2001 reste vivace, un vétéran du Viet Nam nommé Jeffries nourrit son patriotisme xénophobique au sein des forces antiterroristes. Un groupuscule étrange, pas du genre à porter le blason du pays aux sommets d’une grandeur confiante, efficace et immaculée. Le bon goût de Wenders en matière de bande originale n’a d’égal que son sens de l’esthétique. On regrettera plutôt le manque de paysages que celui en scénario, signe peut-être qu’il joue de bonnes cartes au mauvais tour. Mais le problème ne vient pas de là. Pas non plus de l’ambiance qui nous donne sans mal la nostalgie des tours jumelles et du symbole de solidité qu’elles inspiraient même aux non-Américains.

La morale du film est simple : le racisme est motivé par des antécédents généralisateurs, ou des idées reçues contagieuses. On voudrait encore aujourd’hui convraincre les gens de ces deux détails. Et l’erreur, c’est de ne jamais faire douter le spectateur que c’est là la conclusion vers laquelle il tend. Il n’y a jamais aucun doute que le syndrome post-traumatique de Jeffries, remis à vif depuis l’attentat, l’a plongé prématuré dans un entêtement sénile. Même chose pour ces fameux services antiterroristes ; une scène nous fait vaguement comprendre que la police les connaît et les tolère, mais ils n’ont qu’une crédibilité restreinte. Alors quand l’histoire en vient à nous l’avouer, ça manque de tonus dans la révélation.

Pas le plus percutant des Wenders. Il paraît bâclé mais il faut relativiser : c’est une grande réussite pour un projet qui a vu le jour en un total de cinq semaines.


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Samedi : Rent

(Chris Columbus, 2005)

« Film musical »*

Dans les bas-quartiers new-yorkais, la vie est au jour le jour. Alors quand on entend parler du loyer de l’an passée, on préfère faire semblant de ne pas entendre et le ranger dans le même panier que les ennuis de l’année passée. Cette histoire très engagée est tirée d’une comédie musicale datant de 1996, neuf ans avant cette adaptation de Columbus qui reprend le même casting principal. Elle avait gagné le prix Pullitzer, comme seulement huit autres oeuvres du genre.

Dans cette version, les éléments du scénario semblent avoir été disposés au petit bonheur, pour le seul bénéfice des revendications sociales qu’il contient. Car dans ce New Yok, la population qu’on nous montre est en grande majorité homosexuelle ET atteinte du SIDA. Non seulement c’est prêter foi au stéréotype heureusement démodé selon lequel les deux sont corellés, mais cette dominance en matière de sexualité n’est de surcroît pas justifiée, à moins peut-être par cette chanson où ils louent l’absence de tabous dans leur microcosme. Pour le SIDA, l’usage de la drogue l’explique, mais ça reste irréalistement opportun. Par ailleurs, on est toujours dans l’attente de la chanson qui va sortir du lot. Elle n’arrive jamais. On reste sur notre faim jusqu’à une sorte de faux entr’acte qui nous fait croire à une fin imminente, alors que les personnages n’en ont pas fini de tourner en bourrique les uns autour des autres sans finalité apparente.

Une création qu’on aurait préféré ne pas voir en film, même avec la technique très au point de Columbus derrière la caméra, qui nous donne par exemple de magnifiques travellings.


 

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