Hebdo – 2017, N° 40 (Les Diamants sont éternels, Staying Alive…)


Image d’en-tête : Le Cri du Cormoran le soir au-dessus des jonques

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Lundi : Le Cri du Cormoran le soir au-dessus des jonques

(Michel Audiard, 1970)

« Nouvelle thématique ! => Gérard Depardieu »*

Pour un des rares films qu’il ait réalisés, Audiard sort le cinéma français de l’étouffant carcan de ses propres préjugés, profitant comme d’un tremplin de la libération offerte par 1968. Dans la médiocrité, par contre. A l’effort minimal de post-synchronisation s’oppose un humour polyvalent qui se gâche parfois en vulgarité quand ce n’est pas du premier degré navrant, et le réalisateur-dialoguiste pallie à son inexpérience en créant des plans courts quit ont tôt fait de donner naissance à des faux raccords. En fait de dialoguiste, il est en réalité plutôt le compositeur d’un hymne à la liberté d’expression avec des airs de chanson paillarde.

C’est une curiosité que nous offre Audiard, homme talentueux quand il ne fait pas front à plusieurs tâches à la fois, et qui a posteriori jettera à peu près le même regard que nous sur ses créations. Presque cinquante ans après, c’est une oeuvre qu’on contemplera avec une bienveillance amusée, admirateur malgré soi du premier rôle de Depardieu, au milieu des grands déjà.


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Mardi : Family Business

(Sidney Lumet, 1989)

« Dustin Hoffman »*

Quand Hoffman repasse derrière la caméra avec son Oscar de Rain Man sous le bras, c’est pour donner vie à un personnage de loin plus modeste au coeur d’une histoire transgénérationnelle. Quoique les différences d’âge aient été exagérées entre personnages et acteurs, les trois grands (Sean Connery, Hoffman et Matthew Broderick) assurent très bien leur poste où chacun est le père du suivant.

Au prix du perfectionnisme parfois ennuyeux de Sidney Lumet aux commandes, dont c’est une habitude de répéter sans tourner pendant trois semaines en pré-production, le film est bien construit autour du passage de flambeau de père en fils, et des responsabilités qui vont avec. On explore leurs déboires d’une manière fluide dans l’espace, comme si le spectateur occupait vraiment de la place entre la caméra et les personnages, ce qui donne une impression immanquable de proximité avec eux.

Les personnalités ne sont pas affinées comme elles auraient pu l’être, ce qui est dommage car c’était vraiment un aspect vital. Résultat, Connery éclipse Hoffman qui éclipse Broderick : c’est mal équilibré. Un résultat donc mitigé pour une représentation toutefois digne de son idée.


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Mercredi : Les diamants sont éternels 

(Guy Hamilton, 1971)

« Autour de James Bond »*

Après le tempêtueux passage de George Lazenby dans la peau de Bond, Connery revient sur un pont d’or, par ailleurs une des raisons pour lesquelles il ne reviendra pas jouer dans la série – mis à part pour le controversé Jamais plus jamais en 1983. Il va nous réintroduire dans la série à une époque où elle s’était faite oublier, peinant à renouer avec ses gadgets mais sans pudeur encore sur les démonstrations technologiques expérimentales : motos des sables, sous-marins de poche…

Et dans une volonté d’amadouer les Américains après le flop d’Au service secret de sa majesté, on n’oublie pas la référence impossible à rater sur la falsification du premier pas sur la Lune : les protagonistes arpentent allègrement un faux plateau qui en représente le supposé tournage. Pour la première fois dans la série, la « Bond girl » est Américaine. Sans oublier la déjà flambante et flamboyante Las Vegas qui sert de décor à des courses-poursuites pas mal bidouillées. Le tout non sans un esprit revanchard des Britanniques qui viennent ajouter avec bon goût le grain de sel de leur autodérision, sain contrepoids qui fait passer la pilule d’une post-synchronisation et d’effets spéciaux indécrottables de médiocrité.


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Jeudi : Dommage que tu sois une canaille

(Alessandro Blasetti, 1955)

« Langue italienne »*

Des comédies comme celle-ci naissaient dans une intersection historiquement unique : entre la guerre et Fellini. Mais celle-ci en particulier se retrouve aussi entre un deSica déjà au-delà de son apogée et une Sophia Loren seulement défaite depuis deux ans des noms d’emprunts qui empêchaient son talent de la faire décoller. Des films comme ça peuvent presque faire croire que le baby-boom italien date d’avant la guerre ; en 1955 déjà, on parle des jeunes avec dédain comme « le produit de la guerre ». Un terreau précocement fertile à un jeu d’acteurs super naturel dont les dialogues, quoique foisonnants et tous azimuts, sont sublimes pour qui a la vivacité d’esprit nécessaire pour les suivre. Mais à toute précocité son immaturité, en l’occurrence le scénario qui saute trop vite d’une situation à l’autre pour finalement tout laisser tomber en guise de fin.


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Vendredi : Staying Alive

(Sylvester Stallone, 1983)

« Film musical »*

Quand Stallone donne suite à Saturday Night Fever six ans après, il est apparemment encore englué dans sa réputation de Rocky et ne parvient pas à faire reconnaître son talent quand il l’utilise dans la lignée des « films disco », s’attachant à rendre l’harmonie de la danse, où la sueur de l’effort est ce qu’on a le droit de montrer de moins propre. Pas moyen pour lui de démontrer aux critiques que sa caméra brutale la sait aussi saisir.

Par mauvaise foi, on l’accuse surtout de sortir de ses propres chemins balisés : c’est le seul de ses films où il ne joue pas (d’accord, il fait un caméo) et c’est la seule des suites qu’il a faites à partir d’un film qui ne soit pas de lui. Bien sûr, il ne faut pas le voir en comparaison de Saturday Night Fever, sans doute imbattable dans son genre ; que ceci en soit la suite peut très bien passer inaperçu. L’oeuvre évolue à peu près en-dehors des clichés, voguant au gré des ellipses et au gré de la musique, et une heure et demi est une bonne durée. Pas la meilleure suite, mais loin d’être la pire.




 

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