[Cinémavis #9] Alice au Pays des Merveilles (Tim Burton, 2010)


La dernière représentation de ce conte a été d’une éclatante beauté à l’image, et n’a rien perdu du charisme de ses personnages tout en gardant tous les aspects caractéristiques de l’oeuvre d’origine. Mais ne s’est-elle pas trompée de formule au profit du succès commercial ?

affiche

Un Chapelier fou brillant

"ALICE IN WONDERLAND" Film Frame Johnny Depp ©Disney Enterprises, Inc. All Rights Reserved.

Impossible de parler de ce film sans parler de la performance exceptionnelle de Johnny Depp pour qui il est évident que le rôle a été d’une jouissance extrême. Il jongle avec les mots abrupts du langage du pays des Merveilles en leur donnant une consonance qui tranche avec une vision enfantine, alors que ces mots ont à l’origine pour but d’être amusants. Opportuniste, ambigu, menteur et fondamentalement bon, c’est un personnage aux multiples personnalités qui pourrait facilement faire croire que trois ou quatre acteurs différents ayant un même visage le jouent. Et pourtant, derrière cette réussite totale, un seul homme : celui qui annule toutes les tares des autres personnages et qui met en valeur une horreur dissimulée dans un univers paradisiaque. C’est celui qui donne la touche terrifiante au film et dont on regrette qu’elle ne soit pas plus poussée. Et il va jusqu’à porter complètement le film de Mia Wasikowska qui, il faut bien le dire, ne semble pas plus à l’aise que ça dans son rôle.

Un univers chamboulant !

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Dans l’histoire, on part d’un mariage dans un monde anglais très pincé de la fin du XIXème siècle où une jeune fille se sent à part, pour arriver dans un monde sans logique peuplé des personnages fous (dans tous les sens du terme) issus de l’imagination de Lewis Carroll. Pour ne parler que de l’image, c’est une réussite. Pas de beauté particulière dans les plans, et pour cause : tout est quasiment images de synthèse. En revanche, les films où l’animation constitue la moitié du paysage ont souvent une dualité dont le spectateur a généralement du mal à se défaire et qui l’empêche de rentrer complètement dans l’histoire (comme le fait pourtant Alice, littéralement !) que la réalisation de Tim Burton n’a pas : la frontière entre réalité et animation est déjà tellement floue dans l’histoire originale qu’elle ne se transforme pas en barrière infranchissable au contact de l’œil concentré du spectateur. Tout ça ne tient pas uniquement, néanmoins, de la prédestination de l’histoire à une telle adaptation à deux facettes, mais bien du mérite du réalisateur qu’on remercie chaleureusement pour cet exploit. Cela laisse tout loisir de contempler l’originalité du comportement de ces protagonistes pourtant si illogiques.

Un film qui n’aurait pas dû être tout public

Il est probable que la mise en scène de ce monde dit « merveilleux » soit un peu trop tournée sur le côté enfantin de la chose. Il aurait été plus intéressant de donner la définition médiévale au mot « merveilleux » pour ce film, cette définition qui s’appliquait si bien aux spectaculaires combats sanglants de l’époque. Non pas qu’il eut fallut qu’on voie ça dans Alice au Pays des Merveilles, bien sûr, mais il aurait fallu que cela s’en rapproche car l’histoire est trop jolie malgré toute l’insistance qu’elle met sur la méchanceté. C’est une méchanceté mièvre, et les relations torturées entre les personnages en perdent de leur splendeur. Une version de ce film qui n’aurait pas été « tout public » aurait eu beaucoup de plus de plussoyance ! D’autant que l’ambiguïté du personnage du Chapelier a déjà très bien introduit ce sous-univers un peu plus empreint de peur sous la couche de poudre de fées qui le recouvre.

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Alice au Pays des Merveilles est une excellente adaptation graphique du monde de Lewis Carroll où animation et images filmées se rencontrent avec harmonie sans briser la conviction du spectateur dans le message qu’elles font passer. L’immortelle alliance de Tim Burton et de Johnny Depp met encore ce dernier sur le podium à une seule place du meilleur rôle loufoque. La réalisation aura voulu glisser une touche terrifiante qui marque tout l’univers de sa griffe discrète mais particulièrement l’ambiguïté du Chapelier fou, et il est dommage que cette étincelle d’originalité n’ait pas été plus exploitée, quitte à en faire un film qui ne soit pas tout public. Tel quel, il reste néanmoins un chef-d’oeuvre d’images et une vision exbourrifiante d’un monde étonnant.
 

 

 

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